Dépendance à l’alcool : comment arrêter de boire
Vous voulez arrêter de boire complètement ? Voici nos conseils pour mettre toutes les chances de votre côté.
Sommaire
Nos conseils pour bien vous préparer
- Faites la liste de vos motivations. Elle vous sera utile pour vous aider dans les moments difficiles ou de doutes.
- Informez les personnes sur lesquelles vous pouvez compter que vous souhaitez arrêter de boire. Leur soutien sera très important.
- Identifiez les situations qui vous donnent envie de boire et définissez la meilleure stratégie pour les éviter (Voir nos conseils pratiques ci-dessous).
- Fixez une date pour arrêter de boire.
- Lisez notre article sur les symptômes de manque. (lien sevrage). Plus vous serez informé, mieux vous saurez les gérer.
- Avant tout arrêt, nous vous conseillons de faire le point avec un médecin généraliste ou un professionnel spécialisé en addictologie.
À savoir si vous décidez d’arrêter l’alcool seul
Il est possible d’arrêter l’alcool sans aide extérieure. Mais si les symptômes de manque sont trop intenses, n’hésitez pas à appeler votre médecin.
Attention, dans certains cas graves, des hallucinations et des convulsions (delirium tremens) peuvent apparaître et nécessitent une hospitalisation en urgence.
Nos conseils pratiques pour arrêter complètement
- Jetez toutes les bouteilles d’alcool présentes chez vous.
- Remplacez l’alcool par des boissons non alcoolisées que vous appréciez. Pourquoi pas des cocktails sans alcool ?
- Évitez de voir les personnes avec qui vous aviez l’habitude de boire.
- Pour ne pas être tenté, essayez de contourner les bars et les magasins qui vendent de l’alcool.
- Remplacez les moments où vous buviez de l’alcool par des activités qui vous font plaisir : faites du sport, cuisinez, allez au cinéma, allez vous promener… Les activités en groupe sont également très efficaces pour garder le moral et maintenir votre motivation.
- Mettez en place des rituels pour vous détendre. Exemple : chaque jour avant de vous coucher, prenez une douche chaude, tamisez les lumières, écoutez une musique douce…
- N’hésitez pas à demander conseil à votre médecin ou à un CSAPA (centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie). Un accompagnement et des traitements peuvent vous aider. Et si vous le souhaitez, vous pouvez être hospitalisé durant la période délicate du sevrage.
Trouvez de l'aide près de chez vous :
- Soyez fier de chaque journée passée sans boire.
- Écoutez nos podcasts
Nadège : " Vivre sans alcool m'a autorisée à rêver "
Durée: 11 min
INTRODUCTION
Avec l'alcool, on peut parfois se sentir dépassé. Alors comment s'en libérer et reconstruire une vie plus équilibrée ? Nadège a tout pour être heureuse femme, enfant et travail qu'elle aime. Et pourtant, sa dépendance à l'alcool a pris le dessus et son monde a failli s'effondrer. Juste à temps et avec l'aide de son meilleur ami, elle a su demander l'aide de professionnels des addictions.
Et si l'amour de ses proches était un puissant moteur pour trouver la force de changer ?
Nadège :
Pour moi, au début, c'était un moment convivial, donc ma journée se finissait, je prenais une petite bière par exemple. Et puis. Et puis ce n'était pas tous les jours au début, puis de plus en plus, puis après c'était la fête, et puis après c’était une journée compliquée et puis après voilà. Après c'était avec des amis, etc. En fait, cette consommation, elle n'est pas venue d'un coup, elle est venue vraiment, j'ai 41 ans, donc elle est venue sur 25 ans.
C’était je ne commence pas à boire une bière le soir, je commence à midi et puis je fais une pause l’après-midi et je reprends le soir et puis jusqu'au bout d'un moment ou entre midi et le soir, il n'y a pas de pause. Puis au bout d'un moment, on n'arrive plus à quantifier ce qu'on a bu dans la journée non plus. Mon visage dans la glace, c'est quelque chose qui me plaisait plus. Marcher la tête assez basse, on marche pas les épaules levées. Il y a eu ça, il y a eu les douleurs dans mon entourage, dans ma famille proche, donc je parle avec mon épouse, mon fils et mes belles filles, où ça devenait de plus en plus conflictuel.
Il y a eu ça quand on commence à se cacher, quand je vais à la supérette du coin chercher des bières plutôt que de les prendre dans le frigo pour pas que le stock se vide trop vite et que ça soit trop trop visible. Je râlais, tout m'épuisait, tout me… Alors que je suis quelqu'un qui adore la vie et qui suis plutôt de nature positive justement à trouver les solutions plutôt qu'à voir les problèmes.
Donc là non, je me reconnaissais plus. C'était se retrouver seule dans un terrier. J'avais plus envie de ça. Et puis ça n'allait pas en s'améliorant. Il était grand temps de faire quelque chose.
Alors il y a plusieurs déclics de prise de conscience en fait, alors il y a eu déjà ma santé physique. Quand on se lève le matin et qu'on a le cœur qui palpite, on se dit quand même … Aïe !
On se dit pas je suis alcoolique, c'est pas « On se lève un matin, Ok, je suis alcoolique, j'accepte ». Non, on n’accepte pas d'être alcoolique à ce moment-là. Parce que d'abord, c'est quoi l'alcoolisme ? C'est pas une consommation, c'est pas la quantité, c'est le rapport qu'on a, le rapport mental, psychologique qu'on a avec le produit qui va faire qu'on l'est ou qu'on l'est pas, finalement.
Et je me rendais compte qu'en fait l'issue, si j'arrêtais pas, j'allais vers la mort en fait. C'était la prise de conscience de l'état dans lequel j'étais et puis de ce que je voulais faire de moi et de ma vie. Donc ça, ça a mis du temps.
J'avais déjà essayé de faire un arrêt d'alcool du jour au lendemain et je l'ai fait trois mois. Pendant trois mois, j'ai pris conscience en fait sur l'état physique et sur l'état social des bénéfices de l'arrêt de l'alcool. Mais psychologiquement, c'était vraiment trop dur. Je n'y arrivais pas. J'avais pas les outils en fait pour m'accompagner et comprendre la raison de la consommation.
Quand on consomme, on se remplit de quelque chose, c'est une béquille, on s'anesthésie, donc c'est un substitut l'alcool, à la souffrance. Et si on ne va pas traiter le fond du problème, si on va pas traiter la cause, le pourquoi on consomme, je ne pense pas qu'on puisse être dans un arrêt sain et accompli en fait, finalement. L'alcoolisme, c'est il y a la maladie, mais on est d'abord malade de soi-même. Donc ça c'est vraiment, c'est vraiment quelque chose qu'il faut avoir en tête, c’est on vient combler un vide.
J'ai rechuté après, après mes trois mois pour reconsommer et plus. Donc ça, ça a été aussi un déclencheur de se dire j'ai pu arrêter trois mois et quand je reprends, je reprends de plus belle. Là, on se dit, c'est pas bon.
En 2022, au mois de mai, j'ai été au CSAPA (Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie). C'était suite à une dispute. J'ai été voir un éducateur pour, pas du tout m'arrêter de boire, mais pour maîtriser ma consommation d'alcool. Le problème de mon alcoolisme, c'était que une bière appelait ses copines euh des copines entre elles, mais pas du tout des copines pour moi. Et donc du coup, non la maîtrise, j'ai essayé de l’avoir pendant quelques mois et c'était pas possible.
On a fait un travail sur plusieurs mois suite à une dispute de plus, le 17 novembre, j'ai appelé mon meilleur ami et puis on est resté 3 h et demi au téléphone. Et puis ça a été donc la cerise sur le gâteau. Il est venu appuyer le truc et je crois que j'étais prête en fait, il a senti certainement que j'étais prête, parce qu'il m'a dit des choses pas facile à entendre quand même, mais pas facile à dire pour lui. Suite à cette conversation-là, c'était ok, j'ai pris ma décision. Maintenant c'est zéro alcool.
Alors il n'y a pas eu un déclic à ce moment-là, parce que c'est une accumulation de déclics en fait. Je pense que ça faisait au moins deux ans que j'essayais d’arrêter finalement, de différentes manières. Et puis on culpabilise quand on boit, on le vit mal, on ne se sent pas jolie, donc j'ai arrêté du jour au lendemain. Alors ça c'est pas du tout la bonne idée d'arrêter du jour au lendemain puisque c'est très très mauvais pour le corps. Faut savoir que l'alcool c'est la seule addiction qui peut tuer si on l’arrête du jour au lendemain. Je le savais pas, je l'ai fait, bon j'ai pas eu de vertiges. C'est passé. J'avais entrepris avant cet arrêt là un travail avec un psychologue aussi parce que avec l'éducateur, on a beaucoup plus travaillé, sur la technique, sur la consommation, identifier en fait les moments de la journée, etc etc. Avec le psychologue, on a vraiment été dans le fond du problème et j'y vais toujours.
Quand on arrête l'alcool, c'est un pas après l'autre. Donc c'est à dire que sur une journée c'est pas une journée, c'est tiens là il est midi, je lutte et voilà. Donc c'est vraiment un pas après l'autre, c'est pas un jour, deux jours non, c'est sur une journée, on y pense 50 fois, 100 fois à l'alcool, Ça nous prend la tête.
C'est là où ça a été épuisant physiquement en fait, c'est de toujours y penser, de combattre la petite partie du cerveau qui disait « allez bois un coup, bois un coup, c'est bien », non ! C'est pas bien, non. Et puis l'autre côté qui se bataillait là-dedans. Donc ça c'est très très épuisant. Ouais, j'étais super fatiguée au début, c'était mon combat et je voulais certainement pas supprimer l'alcool des placards, du frigo ou de quand on recevait des amis, c'est à dire quand il faut supprimer quelque chose de notre vie tout en vivant avec. Et ça, c'est hyper complexe. Donc, je me suis dis je vais le supprimer de mon corps, je vais le supprimer dans ma consommation, mais je ne vais pas le supprimer de ma vie. Ça me permettait aussi de me dire « je suis capable, c'est pas le verre qui va gagner, non, je suis plus forte que ça. »
Au début, quand j'ai arrêté, je me suis téléchargé une petite application sur mon téléphone. Et puis c'était « aujourd'hui zéro consommation » J+1, J+2, etc. Au tout début, j'ai eu besoin d'y aller tous les jours. Petite fierté du jour, le soir, quand je vais me coucher, je remplissais mon petit truc et puis, et puis tout doucement, j'allais plus tous les jours et je commençais à me décrocher justement, de ce besoin de remplir cette application. Et puis au bout d'un moment, je me suis dit petite victoire aussi. Je me suis dit bah tiens, je désinstalle cette application. Donc finalement c'est des petites victoires comme ça qu'on se fait au quotidien et c'est chouette.
Quand j'ai arrêté, j'ai consommé de la bière sans alcool. Ça a été un super substitut parce que finalement j'en ai consommé à la maison et c'est ce qui m'a permis aussi… alors moi, de l'eau avec de la grenadine ou un diabolo ou les boissons sucrées, pas de plaisir. Donc j'ai voulu garder des plaisirs. Aujourd'hui, ils font vraiment tout un rayon sans alcool très très large, donc on peut varier sur les goûts différents aussi ça c’est plutôt cool.
Aujourd'hui, après plus d'un an d'arrêt d'alcool, je me sens hyper bien. C'est, alors il ne faut pas se dire pourquoi je l'ai pas fait avant, parce que il y a un temps pour tout dans la vie et si je l'ai pas fait avant, c'est que ça devait pas se faire. J'aurais préféré le faire avant, mais c'est que ça devait pas se faire. Ça a été vraiment un des combats les plus difficiles dans ma vie. Mais putain, qu'est-ce que ça en vaut la peine quoi ! C'est tellement un changement intense ! Déjà en forme physique, je me sens beaucoup mieux physiquement. Mon petit cœur me remercie. Il y a le côté physique, mais y a surtout le côté mental où c'est une renaissance en fait. C'est à dire que aujourd'hui, j'ai l'impression d'entamer une deuxième vie. J'ai appris à me connaître et surtout j'ai développé une force, qui me dit que si j'ai pu faire ça, qu'est ce qui peut m'arrêter dans ma vie aujourd'hui ? En fait, c'est quand on arrête vraiment qu'on se rend compte à quel point on était enchaîné. Et je me sens libre.
Conclusion
Ce podcast vous a été proposé par Alcool Info Service.
Olivier : " Mon groupe de parole a été ma deuxième famille "
Durée: 12 min
Introduction :
Avec l'alcool, on peut parfois se sentir dépassé. Alors comment s'en libérer et reconstruire une vie plus équilibrée ? Olivier a commencé à boire de l'alcool, comme beaucoup lors des soirées étudiantes, mais cette consommation a fini par déraper. C'est grâce à un groupe de parole qu'il a repris sa vie en main. Quel soutien trouve-t-on quand on confie son récit à des inconnus ?
Olivier :
Au début, j'ai commencé un peu à boire modérément et puis c'était doux, c'était du Gin tonic. J'ai senti qu'il y avait quelque chose qui me désinhibait parce que j'ai toujours été très timide, très introvertie, pas du tout confiance en moi.
Et puis, chemin faisant, je consommais de façon régulière tous les week-ends, mais sans forcément mettre une mine en fait, j'avais encore une consommation raisonnée, mais c'était présent. C'est à dire que tous les week-ends, c'était une nécessité, c'était un besoin impérieux, j'avais besoin d'aller faire la fête, j'avais besoin de ma consommation et je ne me rendais même pas compte que ma consommation est augmentée petit à petit.
J'ai fait partie de l'association du bureau des sports, on organisait des événements et puis bon, dans les écoles de commerce à Paris, c'est très très très festif et donc il y avait des soirées tous les jeudis soir, donc j'avais un peu mal au crâne le lendemain, mais je me souvenais encore de ce que je faisais.
Ça a continué comme ça, on va dire, pendant une dizaine d'années, les consommations devenaient de plus en plus importantes, jusqu'au jour où je suis parti vivre en province. Mais là, j'avais commencé une consommation déraisonnée ou bien souvent, je ne me souvenais plus trop des lendemains. J'avais ce qu'on appelle les black-out (trou noir). Je prenais la voiture, j'étais complètement défait, je me voyais mettre la clé dans la voiture, mais je ne savais pas comment j'arrivais dans mon lit.
Il y a des soirs ou je me disais « Olivier, tu vas arrêter tes âneries parce que voilà, tu ne maîtrises rien » et puis je décidais de ne pas boire et j'arrivais en soirée ou quoi que ce soit, au bout d'un quart d'heure, je m’embêtais on va dire, pour rester poli, mais je commençais à prendre un verre et puis c'était fini en fait, c'était la dégringolade. C'était la bouteille qui y passait, la deuxième, parfois deux bouteilles de whisky parce que j'étais passé sur un truc plus fort.
Ce qui m'a fait basculer, vraiment, même si j'avais une conscience de ce que j'avais, un problème de dépendance qui s'accrochait. C'est quand je suis parti dans les Landes pour un boulot. J'ai eu une mutation professionnelle et en février de cette année-là, je reçois un coup de fil de mon père qui m'annonce que maman a fait une embolie cérébrale.
Là, ça a été la descente aux enfers. Quand je dis descente aux enfers, c'est que là pour moi, je me suis réfugié vraiment dans l'alcool pour déjà essayer d'anesthésier la douleur que j'avais, parce que j'avais une forme de culpabilité, de me sentir impuissant face à sa maladie. Puis, après son décès, je crois que là, ça a été le début vraiment de la grosse, grosse, grosse descente aux enfers.
Et là, ça a été des très grosses périodes de blackout (trou noir). Le matin, j'avais besoin de ça pour démarrer. Au boulot, je picolais, je travaillais, j'étais patron sur des stations-service autoroutières, donc à l'époque, on pouvait encore avoir de l'alcool. J’allais chercher une bouteille de whisky, comment dirais-je, dans les rayons, je me mettais la misère. J'avais toujours des copains qui venaient, des collègues qui venaient, on prenait l’apéritif. Je faisais mes repas au whisky, je faisais… mais j'étais raide, raide, raide. Le lendemain, je remettais ça. Je rentrai en voiture, toujours, complètement déchiré. Et puis ça, ça a été comme ça, une vraie descente, on va dire, pendant quatre ans. Ça m'est arrivé de boire de l'eau de Cologne aussi, parce que j'avais de plus en plus rien à boire chez moi.
La consommation exagérée a eu des impacts sur mes relations affectives parce que bon, rester avec un alcoolo, ça ne donne pas envie en fait. C’est des impacts côté professionnel parce que je me suis fait licencier parce que je n’allais pas au boulot, je n’étais pas capable de me lever à la fin si, je me suis fait foutre dehors de chez moi parce que bon, en fait, l'alcool ça coûte cher et quand on vit au-dessus de ses moyens et qu'on paye plus son loyer, ben je me suis fait foutre dehors, j’ai connu trois jours la rue.
Le problème de l'alcool, c'est que tant qu'on n'a pas accepté de baisser les bras, de se dire, je prends souvent l'exemple d'un poids lourd et d'un poids léger, moi, j'étais le poids plume en fait et puis je remontais sur le ring et j'avais la face à moi un poids lourd qui était l'alcool, mais chaque fois, je prenais une danse. Mais tant que je n'avais pas compris que je ne devais pas remonter sur ce ring et accepter que j'avais perdu toutes maîtrises de vie à un moment dans ma vie. C'est l'alcool qui a dirigé mes choix, mes actions et ma vie, quoi en fait.
Et puis, il y a eu un soir du 31 décembre, à un moment dans la soirée, je ne sais pas pourquoi, j'étais en boite, il faisait froid, je me vois encore, c'est la seule image dont j'ai vraiment un souvenir. Je me vois sortir de cette boîte. Il devait être trois, quatre heures du matin en chemise, il faisait très froid, là Black-out (trou noir) complet. Ce sont des amis qui m'ont ramené, ils m'ont veillé toute la nuit. Il y a eu aussi une amie de cette époque-là, qui m'a appelé et qui me dit « Olivier, tu sais, il faut que tu fasses quelque chose parce que sinon on sera plus tes amis, nous, on peut plus te voir comme ça on peut plus, on peut plus, on est impuissant face à ça on ne sait pas comment t'aider, mais il faut que tu fasses quelque chose ». Elle m'a dit qu'il y avait justement des associations de groupes de parole qui pouvaient m'aider.
J'avais deux choix : vivre ou crever. Le terme, il est fort, crever, mais c'est comme ça que j'allais finir. Je n’allais pas mourir, j'allais crever. Parce qu'on en crève de l'alcool et on en crève tout seul avec sa bouteille. Donc, moi, je n’avais pas envie, j'avais envie d'essayer de vivre, mais différemment, et donc j'ai pris mon courage à deux mains. Il y avait une permanence téléphonique, j'ai appelé cette association. Je pense que j'ai dû rester pendant 2 heures au téléphone avec un ami au bout du fil qui m'a écouté pendant 2 heures, et j'ai pu raconter un petit peu mon histoire ou quoi que ce soit. Puis, il m'a dit « tu sais Olivier, il y a, il y a des réunions qui existent avec des groupes de parole. » C'était la première fois que je crois que je parlais de mon problème de consommation, même si mon inconscient et mon conscient savaient que j'avais un problème de consommation et de non-maîtrise de ma consommation. C'était la première fois que j'en parlais librement avec quelqu'un qui était dans l'écoute.
Pour moi, l'image de l'alcoolique, c'était l'image que je ne voulais pas franchir et c'était ma barrière. C'était le clochard, c'était finir sur la bouche d'égout, pas lavé, mal rasé, enfin bref, dans un état de déchéance, marginalisé, complet. Et, pour moi, j'avais l'impression que dans cette réunion, je n'allais voir que des gens comme ça. Je ne m’identifiais pas à eux.
Et donc, j'ai demandé à cet ami qui m'avait appelé et à son mari de bien vouloir m'accompagner. Ils sont venus avec moi et on a poussé, j'ai poussé, cette porte qui pesait une tonne et là, j'ai trouvé des gens autour d'une table, des gens normaux, mariés avec des enfants, mais qui avaient tous le même problème, c'est à dire qu'ils avaient un problème de consommation d'alcool exagéré qui étaient tous alcooliques.
C'est une maladie, il y a des moyens pour freiner la maladie, pour ralentir la maladie et la consommation. Le plus dur, c'est de ne pas rester seul, c'est d'oser en parler et d'avoir le courage parce qu'il faut du courage pour se sortir de cette stigmatisation.
J'ai eu l'impression d'avoir une vingtaine de paires d’yeux, mais des yeux d'amour en fait. Un regard d'amour en me disant « Olivier, viens, t’es en sécurité, on t’accueille, t'es le bienvenu et tu es la personne la plus importante ». C'est ce que je cherchais depuis des années dans ma consommation exagérée. J'étais emmené dans cette spirale d'amour, dans cette spirale de compréhension, dans cette spirale de non-jugement, parce qu'en fait, je me suis identifié à eux, parce que de temps en temps, quand ils racontaient leur vie, j'ai l'impression qui racontait la mienne.
Alors, je ne dis pas que le sevrage a été facile, bien au contraire, c'est compliqué, parce qu'à l'époque, moi, j'ai fait un sevrage brutal, zéro consommation du jour au lendemain. Heureusement, mon médecin était là, donc tremblements, délirium (confusion temporaire), crises de suées et compagnie. Il y a eu des médicaments aussi pour m'aider, des antidépresseurs pour m'aider à ne pas reprendre ce premier verre, mais je me disais, mais comment je vais faire pour être heureux sans ma copine ? C'était la bouteille, ma copine. Donc, petit à petit, petit à petit, 24 h par 24 h, en acceptant de suivre ce programme de rétablissement, en acceptant de travailler sur moi. Dans mon parcours de rétablissement, si on n'est pas honnête avec soi-même, ça ne marche pas.
J'ai commencé à voir la vie différemment et me dire que c'était possible, c'était possible d'avoir une vie heureuse, sans consommer, j’ai enquillé les années, et la première année, et puis la deuxième année, et puis la troisième et la quatrième. Et puis ça va bientôt faire, je dirai, au mois de janvier, ça fait 30 ans, 30 ans que je ne bois plus.
J'étais jeune, j'ai eu cette chance aussi d'arrêter de poser mon verre jeune. J’avais 32 ans, donc j'avais toute une vie à construire. Et puis voilà, petit bonhomme allant, je me suis marié, j'ai eu des enfants, j'ai divorcé, j'ai le quotidien, je me suis remarié. Donc là, j'ai plus d'enfants. Je suis grand-père.
Aujourd'hui, je suis heureux, j'ai une vie qui me remplit, je suis heureux dans ce que je fais. Je suis épanoui. Voilà. Et ça peut marcher. Mais surtout, il faut oser en parler.
Conclusion :
Ce podcast vous a été proposé par Alcool Info Service.
Hélène : " J'ai touché le fond pour mieux remonter "
Durée: 10 min
Introduction :
Avec l'alcool, on peut parfois se sentir dépassé. Alors comment s'en libérer et reconstruire une vie plus équilibrée ? C'est l'histoire d'Hélène qui, très jeune, a développé une addiction à l'alcool, l'exposant à des violences qu'elle n'aurait pas dû subir. Aujourd'hui, elle se sent bien. La persévérance a été sa force.
Et si trébucher permettait aussi d'avancer ?
Hélène :
Je me suis rendu compte que j'avais un problème avec l'alcool un peu après la rupture avec le père de ma fille. Mais, quand je refais le film sur mon parcours, je pense qu'il y avait déjà un problème dès les premiers contacts avec l'alcool à l'adolescence. Je m'en étais pas rendu compte à l'époque, mais la sensation d'ivresse dès les premières bières que l’on prend avec les copains ados, il y a quelque chose qui s'est enclenché et je pense que ça a commencé là.
Je n'ai pas fait de dépression après ma séparation, c'est juste que le soir, en rentrant du boulot, justement, je me prenais une petite bière en récompense. Puis ça a dégénéré sur trois, six à douze bières. J’ai oublié ma fille à l'école plusieurs fois, elle a fini par être placée. J'ai perdu mon emploi, j'ai eu d'autres compagnons, mais que des relations toxiques, violentes, des problèmes de justice. Ça a entraîné beaucoup de mauvaises choses.
Le plus gros de ma consommation, c’est que je me levais le matin, je ne buvais pas un mug de café, je buvais un mug de n'importe quoi, peu importe le flacon. Du moment que ça coûtait pas cher et que c'était très alcoolisé, je pouvais acheter un cubi de cinq litres et le boire dans la journée.
Comme je buvais à l'excès, je me mettais dans des situations pas possibles qui se terminaient des fois en bagarre. J'ai été hospitalisé en urgence plusieurs fois, jusqu'à ce qu'on me trouve une place en cure de désintox.
La première a été à la demande d'un tiers, mon hospitalisation, ce sont mes parents qui l’ont demandée. C'était plus pour me sauver la vie, parce que sinon, je pense que je serais morte. Je suis partie en cure, j'ai rechuté pratiquement tout de suite, en sortant, puis, ça a été des étapes. Moi, je me disais tout le temps, il faut que j'arrête, il faut que j'arrête, c'était tout le temps, me retrouver des fois où j'avais résisté, en me disant non, là, tu ne vas pas boire, tu ne vas pas boire et finalement, je me retrouvais devant ma bouteille et je me disais « mais vraiment t'es bonne à rien quoi ». Ça, c'était dur de se dire, j'y retourne quand même.
Donc j'ai fait plusieurs cures avec en continu un suivi par un psychiatre, une petite béquille médicamenteuse aussi. J'ai eu des rechutes très fortes. Il y a un moment où j'avais l'impression d'avoir deux voix en moi, une voix qui me disait « tu vas t'en sortir, tu vas-y arriver » et une autre qui me disait « tu n'en as rien à foutre, qu'est-ce que ça peut faire ? tu es libre, tu fais ce que tu veux. Tu as envie de picoler ». Et donc, quand je faisais une cure et que je rechutais, je me voyais faire, il y avait toute la culpabilité : « Tu es qu'une merde, regarde ce que tu fais, tu as ta fille qui est placée, tu n’as plus de boulot, tu as la moitié de la tête violette », parce que je m'étais battue, je m'étais fait casser la figure, donc je me disais que j'étais une merde. Du coup, je buvais encore plus et c'était de l’automutilation, de l’auto-sabotage. Moi, je rechutais dur, après les soins.
Même s'il y a eu des rechutes, chaque fois, c'était une étape de franchie. La quatrième cure, c’est elle qui a été décisive. Je pense qu’il y a eu plusieurs étapes de franchie, mais la dernière, c'est moi qui ai demandé à l'aide. Je n’ai pas été hospitalisé d'urgence, c'est moi qui ai appelé les urgences en hurlant, en leur disant « ça fait quinze jours que je bois là, je vais mourir si vous ne venez pas me chercher, je vais mourir. »
Je me souviens de la phrase du monsieur, un en particulier qui m'a dit : « Ne vous inquiétez pas, on va vous prendre en charge. Tout va bien aller maintenant. » Peut-être que lui aussi, il a enclenché quelque chose et que ça a été un des déclics aussi cette phrase-là. Ils sont venus me chercher, j'étais hospitalisé, ils m'ont emmené en cure et cette fois-ci, j'ai sympathisé avec personne.
Je suis restée seule pendant ma cure pendant un mois. J'ai fait une grosse introspection, j’ai commencé à m'occuper de moi au lieu de m'éparpiller sur les autres, et aussi, à cette cure-là, il y a eu un fameux déclic dont parlent les gens. Un premier déclic où j'étais dans un jardin. J'étais en train de repiquer des carottes dans la terre, y avait un petit potager et d'un coup, comme si ça me tomber dessus, je me suis aperçue que je me sentais bien, j'étais au soleil, les mains dans la terre et je me suis dit mince, je me sens bien et je n’ai pas bu. Il y a quelque chose qui s'est enclenché. J'ai cultivé ce truc-là après et j’ai essayé de trouver comment me sentir bien sans boire. Donc j'ai fait des activités thérapeutiques, j'ai fait de la musicothérapie, j'ai fait l'équithérapie.
Moi, ça m'a donné beaucoup confiance en moi, l'équithérapie., ça a réveillé pas mal d’émotions, justement, j'ai travaillé là-dessus aussi parce que pendant toute mon addiction, je ressentais que de la colère, la colère, je ne savais pas être triste, je ne savais pas avoir peur. Je savais qu’être en colère.
Je pense que l'addiction, l'alcoolisme, c'est la maladie des émotions. Il y a une souffrance qu'on n'arrive pas à dire. Du coup, on va l'endormir avec un pansement infecté qui est l'alcool. Il y a des choses qui m'ont prouvé aussi que j'étais sorti d'affaire. Ça a été le décès de mes grands-parents. Mes grands-parents sont décédés pratiquement coup sur coup.
J'étais triste, j’ai été triste, mais en même temps, j'étais heureuse d'être triste. J'ai accueilli cette tristesse sereinement alors que je n’avais jamais ressenti de tristesse, je l'endormais directement en buvant. J'étais heureuse d'accueillir cette tristesse-là. Ça a été une étape aussi. Je me suis dit tiens, je peux passer cette épreuve-là, sans rechuter, sans replonger.
Là où je me suis dit, je m'en suis sorti. C'est quand j'ai fait ma première soirée à l'arrêt de l'alcool. Je me suis isolée, je faisais plus de soirées, je ne recevais plus personne, je sortais plus. Il y a un soir, on a fait une soirée avec des copines qui, elles, buvaient sans être complètement saouls.
Et moi, j'ai passé quand même une bonne soirée, je n’ai pas bu une goutte d'alcool, je me suis aperçue que je m'étais éclaté avec les filles, et là, je me suis dit, je tiens le bon bout !
J'ai retrouvé du boulot, je me suis fait une bande de copines qui étaient mes collègues et ce sont elles qui m'ont initié, re-initié aux apéros entre copines, aux sorties en boîte. Je n'avais jamais eu de bande de copines en vérité. Donc là oui, je suis sortie avec des copines qui m'ont permis de voir que, oui, je pouvais autant m'éclater avec elles sans avoir bu une goutte d'alcool.
J'ai pu re fréquenter des gens et me sentir bien et voir que je pouvais avoir des conversations intéressantes, être drôle, ne plus avoir peur du ridicule, chanter, danser. Même si je chante faux, je m'en fous. Je n'ai pas besoin d'être bourrée pour ça. J'ai découvert l'amour à 46 ans.
Un jour, ma fille m'a dit parce que je lui avais dit : « tu sais, tu as vécu des traumatismes quand même. T'as vu des choses que tu, n’aurais pas dû voir, ta mère complètement saoule par terre », et elle me dit : « tu sais maman, je ne changerai pas, si on devait refaire, je ne changerais pas une virgule parce que c’est ça qui fait de nous ce qu'on est devenues, ce qu'on est devenues aujourd'hui ».
J'aurais pu rester plein de fois, j'aurais pu tout perdre. Et je suis là, c'est ça qui m'a construit. Elle a 27 ans, elle a un bébé qui est né il y a deux mois. Maintenant, je suis mamie depuis deux mois. Elle a une très bonne situation donc, je suis fière. Je me dis qu'avec ce qu'elle a vécu, elle aurait pu mal tourner, ça aurait pu mal se passer pour elle, puis, elle a une très belle situation, une très belle vie. On a une très bonne intimité, on parle beaucoup.
On peut s'en sortir, j'en suis la preuve vivante qu'on peut avoir des hauts et des bas. On peut toucher le fond. Moi, à chaque fois que j'ai touché le fond, j'ai mis un bon coup de pied dans le fond et justement, je suis remontée.
Conclusion :
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Baptiste : " A 24 ans, j'ai vécu un nouveau départ "
Durée: 11 min
Introduction :
Avec l'alcool, on peut parfois se sentir dépassé. Alors comment s'en libérer et reconstruire une vie plus équilibrée ? Être addict à l'alcool jeune, ça arrive. C'est le cas de Baptiste Mulliez qui l’a été entre ses 18 et ses 24 ans. Dans son quotidien, tout était lié à l'alcool. Ses émotions, ses habitudes. Aujourd'hui, Baptiste à le regard tourné vers l'avenir.
Comment a-t-il appris à se passer de cette béquille ?
Baptiste :
J'ai commencé à boire comme tout le monde, en soirée, le week-end. À l'âge de quatorze /quinze ans, et très vite, j'ai vu l'alcool comme quelque chose qui allait m'apporter des choses positives. Ça allait m'emmener dans un monde de Bisounours, un monde idéal, avec de l'euphorie, de l'intensité et un alcool capable de me donner des superpouvoirs.
Au début, c'était le week-end, festif, entouré de potes. Mais dès ma première gorgée, dans des contextes festifs, je n'ai plus jamais su faire la fête sans boire. Je n'ai plus jamais su arriver sobre à une soirée, tout est devenu rapidement un art de vivre dans l’alcool avec des passages incontournables comme le before où on faisait du binge-drinking (consommation excessive et rapide d’alcool).
Si je fais une fois quelque chose sous alcool, ensuite, je ne sais plus le faire sans. Par exemple, faire un date, jouer au foot, voir untel, face à la tristesse, face à l'angoisse et petit à petit, je suis devenu dépendant à de plus en plus de situations, de personnes, d’émotion et voilà, ça prend de plus en plus de place.
Et puis, petit à petit, je n'ai plus jamais su faire plein de choses sans boire.
L'alcool a eu de gros impacts négatifs dans ma vie. Un des premiers, c'est peut-être ma déscolarisation, je perds un intérêt total dans mes études. Suite à la mort de mon papa aussi, qui est un drame et qui a peut-être été comme une brise sur un feu de forêt. Ça a allumé, ça a amplifié tout ça.
La place que prend l'alcool dans ma vie à 19 ans, c'est soit je bois, soit je suis en gueule de bois. Il n'y a plus rien d'autre. Et d'ailleurs, à 19 ans, mon seul et unique intérêt, c'est de sortir, mais pas sortir pour être en communion, en connexion avec l'autre. C'est sortir parce qu’il va y avoir de l'alcool, parce que je vais avoir ma dose.
Donc tout ce qui est blackout (trou noir), binge drinking (consommation excessive et rapide à l’alcool), mise en situation dangereuse, va être de plus en plus tolérant à l'alcool. Toutes ces choses-là, je ne le vois absolument pas comme un problème parce que je m'entoure déjà de gros buveurs. Aussi, parce qu’aujourd’hui, il y a beaucoup de choses qui sont normalisées et moi, je n’ai pas suffisamment été sensibilisé sur les risques pour entendre que ma relation à l'alcool n'était pas si saine que ça.
J'ai commencé à boire à quatorze / quinze ans et j'ai arrêté à 24 ans. J'ai tellement idéalisé l'alcool aussi que je refusais de voir que neuf fois sur dix, ça se passait mal.
C'est terrorisant d'envisager d'arrêter de boire, vu que j'ai l'impression que c'est l'alcool qui me fait vivre. Alors, j'ai fait des tentatives d'abstinence qui duraient peut-être une semaine, dix jours. Je me disais en fait, tu sais te contrôler, donc ça suffit maintenant, les potes, la famille, arrêtez de me souler avec vos histoires. Je ne suis pas dépendant.
Et puis surtout, j'étais aussi dans ce schéma où l'addiction jeune, pour moi, ça n'existait pas. Dès que je me prouvais à moi-même que je savais ne pas boire pendant cinq jours, je me disais, mais en fait, je n'ai pas de problème. Un alcoolique, c'est quelqu'un qui boit tous les jours. Donc là, cinq jours d’arrêt... Et là, je recommençais à boire et je voyais bien que quand je commence, je ne sais pas m'arrêter. Et surtout la frustration qui avait, qui ressortait, qui ressurgissait, il fallait rattraper le temps perdu... J’engloutissais !
J'ai pu commencer ce chemin de la reconstruction grâce à ma maman. C'est grâce à ma maman qui finalement n'a jamais perdu confiance, elle a toujours gardé la foi, elle m'a petit à petit tendu des bouées de sauvetage, notamment en me parlant des Alcooliques Anonymes, mais que mon alcoolisme détruise aussi les gens que j'aime et que je prenne conscience de la souffrance causée à ma maman, ça a commencé à faire tilt, ça a commencé à faire bouger les lignes et je me suis dit bon, essaye à nouveau, essaye de faire quelque chose.
On a beaucoup de petits déclics, de petites prises de conscience, de tentatives d'arrêt qui marchent peut-être, ensuite, ça foire, il y a des écarts. Peut-être qu’on va entendre la même phrase à quelques semaines ou quelques mois d'intervalle, et la phrase va nous percuter autrement six mois après, et on chemine. Moi, je n'ai pas eu un déclic, j'en ai eu peut-être des centaines, mais à chaque fois, quand se pose la question boire ou ne pas boire, pour les autres, ça paraît si simple.
Au début, je l'ai fait pour ma maman et au bout de quelques jours, quelques semaines après avoir accepté les soins, d'aller aux Alcooliques Anonymes, d'aller voir des addictologues, des psychiatres, de tester de nouvelles choses, je me suis approprié mon combat et il est devenu mien. Et là, j'étais terrorisé, J’avais tellement peur, j’étais terrifié à l'idée d'assister à un groupe de parole.
Qu'est-ce que je vais trouver derrière cette porte ? Est-ce que j'ai vraiment ma place ? C'était terrifiant. Mais, quel bonheur de trouver un endroit où je peux me montrer vulnérable, où je ne vais pas être jugé, où je vais être écouté, vu, entendu, et où je vais pouvoir abaisser mes masques, parler sans filtre. Quel soulagement de se sentir moins seul en fait. Puis je voyais des gens qui avaient trois ans, cinq ans, dix ans d'abstinence, qui étaient encore là et qui me regardaient avec leurs yeux lumineux, leur énergie, leur paix intérieure.
Je me disais, mais si eux y arrivent, peut-être que moi, je peux y arriver aussi. Donc, ça a été vraiment au travers de cette identification, se sentir compris, moins seul. Là, ça a aussi débloqué des choses. Ça me permettait aussi de me recentrer sur ma priorité qui est « tiens 24 heures, fais de ton mieux pour tenir 24 heures et si t'es capable de tenir 24 heures, tu peux le refaire demain. Mais ne pense pas à trop loin. Recentre-toi sur un espace-temps où tu arrives à te faire confiance et si c'est cinq minutes par cinq minutes, fais cinq minutes par cinq minutes. »
Après, j'ai eu un accompagnement psychologique parce que j'ai eu ce désir de comprendre, de mettre un peu plus de lien, de sens, de conscience dans ce combat. Moi, je vois la thérapie comme une rencontre parce que pendant des années, j'ai tabassé le vrai Baptiste à coup de shot. En thérapie, petit à petit, j'ai fait la découverte du véritable Baptiste, j’ai accepté sa sensibilité, ses angoisses, ses peurs, ses doutes et j’ai essayé, du mieux que je pouvais, d'avoir un peu plus d'amour-propre.
Parce que si j'ai un peu plus d'amour-propre, j'ai moins de raison de me détruire dans l'alcool.
Mes premiers mois d'abstinence ont été un peu la traversée d'une petite mort. C'était fade, sans envie, sans vie. J'étais en gueule de bois sans avoir bu et je me disais, mais c'est encore pire que quand je bois, à quoi ça sert l'abstinence ? à quoi ça sert ? on me promet de la positivité, on me promet de l'énergie. Moi, je n’ai pas tout ça.
Heureusement que j'avais les Alcooliques Anonymes et des choses en place pour me recentrer et me faire tenir jour après jour. Au bout de, je dirais trois mois, j'ai recommencé à sentir les choses. Et ça, c'est peut-être quelque chose dont je n'avais aucune conscience, et donc, au bout de ces trois mois d'abstinence, quand je me rends compte que j'arrive à voir le ciel, que j'arrive à être empathique envers l'autre, à me souvenir de ce qu'on me dit, le goût du café, du thé le matin, il a un goût différent. Tous mes sens sont en éveil à nouveau. Et là, je me suis dit, tu es peut-être sur le bon chemin. Et donc j’ai continué.
Ça fait plus de huit ans maintenant que je n’ai pas pris une goutte d'alcool et je regrette absolument pas mon choix. Ce n’est pas rose tous les jours, mais ça vaut le coup. Ça vaut le coup d'embrasser cette vie et de m'autoriser de passer à l'âge adulte. On est tous en évolution, donc je dois accepter d’évoluer, la vie va m'apporter à nouveau des épreuves. Il faut que je sois prêt à me renouveler pour affronter, ces épreuves. Et les affronter, en fait, les traverser, ne plus les fuir et ne plus les anesthésier.
Conclusion :
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Didier : " L'entraide a joué un rôle fondamental "
Durée: 11 min
Introduction
Avec l'alcool, on peut parfois se sentir dépassé. Alors comment s'en libérer et reconstruire une vie plus équilibrée ? Didier, chauffeur routier à la retraite, a vécu des années avec l'alcool comme compagnon de route. Une source de souffrance pour lui et pour sa famille qu'il est parvenu à dépasser après plusieurs essais et avec l'aide précieuse de l'association Espoir Amitié Hennebont.
Et s'il fallait plusieurs déclics pour changer ?
Didier :
J'ai toujours eu un problème avec l'alcool, c'est à dire que quand je commençais à consommer, je n'avais pas de limite. Au début de ma consommation, c'était festif et plus ça allait, plus je devenais nerveux. Le moindre petit truc, je partais dans une colère. Et puis il fallait que je balance tout.
J'ai commencé à consommer j’avais 17 ans. Et là, forcément, le salaire tombe tous les mois. Donc on est un homme, donc le paquet de cigarettes dans la poche de la chemise. Et puis on boit comme un homme. Moi, j'étais quand même d'une nature timide, donc ça m’aidait, ça me donnait des ailes, on allait chercher des femmes à danser. Mais le problème, c'est que je n'arrivais jamais à arrêter, donc ça prenait des ampleurs pas possibles. Petit à petit, l'alcool a pris une plus grande place dans ma vie. Mais malgré ça, j'ai trouvé ma femme et là, j'ai diminué un peu pendant cette période-là quand même, où on a eu un enfant deux ans après. Mais ça a repris très vite, très vite.
Je savais bien que je vivais quelque chose de pas normal, que je consommais trop, ça c'est sûr, et que ce n'était pas une vie normale, que je faisais souffrir aussi ma femme, mon fils. J'étais chauffeur routier, donc en plus, je m’alcoolisais surtout le soir au restaurant. Quand j'arrivais le week-end, bon je promettais à madame que j'allais rentrer directement du boulot. Et puis malheureusement, je m'arrêtais toujours dans le même bar. Je retrouvais mes potes là-bas, et puis là avec l'alcool, il n’y a plus rien qui comptait.
Et donc, à l'âge de 40 ans, là j’étais vraiment arrivé dans un stade où l'alcool prenait presque plus que le dessus Un lundi j'en avais vraiment marre. J'avais beaucoup bu et je ne travaillais pas. Je me suis dit là, je vais voir mon médecin, il va falloir faire quelque chose. Cette médecin, c'était une dame. Bah elle m'a écouté quand même, elle m'a beaucoup écouté, elle m'a donné des médicaments. J'ai dit bon, il faut que j'arrête parce que là je vais dans le trou et elle m'a donné le numéro du centre addicto et je pense que là ça a été, voilà je comprends. On parle souvent de petite graine qu’on plante. C’est même plus une graine, je crois que c’est un plant qu’elle a planté.
Et de là, j'ai pris rendez-vous au centre addicto, j'ai pris mes médicaments et j'ai dit stop. Et je suis resté abstinent, sobre : je n'ai pas bu d'alcool à partir de ce moment-là. Alors je n'étais pas bien malgré mes médicaments, il y avait le manque, il y avait les tremblements, il y avait la transpiration.
Mais petit à petit, donc j'ai eu rendez-vous la semaine d'après avec un médecin addicto qui lui m'a donné des médicaments en plus. Et comme, j'avais été sevré, la période de sevrage physique, c’est à peu près huit jours, donc physiquement j'étais sevré et cela a duré un an et demi et au bout d'un an et demi, malheureusement, j'ai repris une coupe de champagne à l'anniversaire de ma sœur et on m'a dit qu’avec tout le temps que j’avais passé sans alcool, que je pouvais me permettre.
Et puis moi aussi j'ai réussi à me mettre dans la tête que finalement, qu’un demi-verre de champagne ça ne pouvait rien faire . Le soir même, ça ne m’a rien fait. Sauf que le lendemain, on a pris une bière, deux bières, trois bières et on est reparti comme avant. Et je suis resté cinq ans comme ça.
Et forcément, plus ça allait, plus je m'enfonçais.
Il y a le moment où, quand je buvais même à un repas où c’était de la rigolade, ça se passait bien. Et puis il y a un moment où ça dépassait certainement les bornes, ou une réflexion ou un mauvais regard aurait pu me changer. Puis j'allais dans la violence, je me suis levé de table et j'allais bousculer.
C’est resté aux coups de poing, mais voilà quoi, j’en ai ramassé aussi quand même pas mal. C’était plus moi. Et des fois on me disait ce que j'avais fait. Je disais c'est pas possible parce qu'il y a des fois où on oublie tout. Il n’y avait plus rien qui comptait, que picoler.
Vous savez, j'étais sur l'autoroute avec le camion. Il y a des fois où quand le soir on consommait quand même plus que de raison, le matin. Alors je me refusais de boire en roulant, je n’ai jamais bu en roulant. Mais le matin, forcément, il y avait quand même ce qu'il fallait. Mais quand l'alcool partait, eh bien j'étais mal, j'étais tremblements, transpiration. Il y a des moments où j'étais tellement faible, que je pensais que j'aurais fait un malaise au volant. Et ça, c'est pas terrible non plus. Et il y a des moments où je voyais les piles de pont et je me disais, un petit coup là-dedans et puis on en parle plus.
Et là je me suis dit ça y est, Didier, c’est fini tes conneries. J'avais fait une dépression entre temps, donc j'avais ce qu'il fallait en médicaments. J'ai donc avalé tous les médicaments, l'alcool par-dessus.
Donc je me suis réveillé aux urgences, je ne savais pas où j’étais, j'avais du blanc partout et il y a une infirmière qui m'a quand –même tapé sec en me disant que j'avais plus trois grammes d'alcool dans le sang, que ce n'était pas normal. Et puis là, oh là là, ça m'est tout revenu. Je dis là madame, c'est fini, elle reviendra pas.
Et puis je savais plus quoi faire. Je me suis dit je vais tout perdre. Et Madame est venue. Et puis là, comme la première fois, je me suis juré de ne plus consommer. Et le lendemain, il y a un pompier qui m'a appelé aussi, qui était venu me chercher en me demandant comment ça allait. Et là aussi, ça a été un plus, où il m'a dit que c'était pas tout à fait une TS (tentative de suicide), c'était plus un appel au secours, que j'en avais ras le bol de cette vie et puis qu’il fallait mettre un terme. Et ça aussi ça m'a touché quand même.
J'avais quand même d'autres raisons de vivre aussi. Des raisons de vivre et de vivre bien. Et donc à l'association (Espoir Amitié Hennebont), j’y suis allé le premier vendredi, c'est vrai que c'est pas facile de franchir la porte et ça fait 19 ans passés maintenant. L'association m'a beaucoup aidé. Puis la seule solution c'est de rester abstinent. Moi j'avais plus que cette solution là parce que je sais bien que si je reprenais un verre, c'était impossible pour moi parce qu'avec un demi verre, j'avais déjà replongé. Alors en reprenant même un verre, en mangeant comme je l'entends quelquefois aussi « un verre en mangeant, c'est bien ». Je sais que je peux pas puisque automatiquement il y aura un deuxième, un peu comme la tablette de chocolat. Alors on prend un petit carré, forcément. Je prends le deuxième. Et puis j'ai du mal avec ça, là c'est pareil. Si je prends un carreau, la tablette y passe. Parce que peut être que je suis plus allé vers l’addiction que vers autre chose.
Il va falloir être vigilant parce que ben voilà, ça peut arriver à des gens de 20 ans qui rechutent, je sais pas pourquoi 20 ans, c'est une période où j’ai l’impression que c'est un palier. Alors ça, ça s'apprend aussi. Je sais que j'ai perdu ma maman il y a 13 ans, donc j'avais sept ans d'abstinence et je m'étais préparé.
D'ailleurs, on me l'avait dit. Je sais, faut toujours se préparer à avoir quelque chose de dur dans la vie. Ta vie c'est pas un long fleuve tranquille et il faut être prêt quand quelque chose de dur arrive, soit soudainement, soit préparé. Ma maman était malade donc je savais qu'un jour elle serait partie. J'avais peur. Ce jour-là, je n'étais pas trop armé non plus. Une maman, c'est une maman. Et puis non, ça s'est bien passé. Je me disais c'est pas parce que je vais reconsommer qu’elle va revenir. Et puis en plus, si on me voit re consommer, elle ne serait peut-être pas contente. Et ça, ça m'a tenu aussi.
Mon épouse, elle, est venue aux réunions mensuelles, c'est une réunion avec un thème. Et une dame qui était là m'avait dit c’est ton épouse ? elle m’a dit si elle t'accompagne dans les réunions, tu verras ce sera beaucoup plus facile pour toi. Je lui ai dit oui certainement. Et c'est vrai que dans ces réunions-là, ma femme, elle a déculpabilisé aussi parce que souvent, ce qu'on entend, et c'est vrai, les accompagnants ils culpabilisent beaucoup et ça a fait qu'on a pu parler de la maladie à la maison alors qu'avant on n’aurait pas pu.
J'avais été abstinent un an et demi. et on n’a jamais parlé de maladie, c'est que j'avais changé et point barre. La deuxième fois on pouvait parler de cette maladie et ça, ça a été un grand pas aussi. C'est mon gamin aussi qui, quand j'ai arrêté, il a mis du temps à revenir vers moi parce que lui m'en voulait beaucoup et lui me disait tu ne te rends pas compte que j'ai jamais pu amener de copains à la maison.
On ne savait jamais comment t’étais, ni comment t’allais arriver. Et ça, moi j'y ai jamais pensé. Mon fils, il arrivait à 20 ans environ, et je l'avais pas vu grandir, alors j'étais pas à la maison de la semaine c'est vrai, il y avait la maison qui prenait beaucoup de temps aussi.
Mais, quand je vois des papas maintenant qui s'occupent de leurs enfants. J'ai loupé, zappé toute cette période-là par rapport à l'alcool. Il en a 42, maintenant ça va mieux. Il n’a peut-être pas oublié, certainement pas, mais ça va mieux. Quand je mets quelque chose sur Facebook, souvent il le partage. Donc voilà, je pense qu'il n’a pas honte de son père.
Ça m'a permis de faire des choses de moi-même, pas guidé par l'alcool, tout ce que je faisais c'est moi qui le faisais.
Je suis plutôt content d'aider les autres quand on voit que j'ai réussi, quand on voit que je continue à avancer. Et content aussi d’avoir plein de projets. Voilà.
CONCLUSION
Ce podcast vous a été proposé par Alcool Info Service.