Alcool : comment aider votre proche à arrêter ?
Votre conjoint ou proche a décidé d’arrêter l’alcool. Vous souhaitez l’accompagner dans cette étape importante. Découvrez nos conseils pour l’aider.
Sommaire
S'il veut arrêter l'alcool seul
Voici ce que vous pouvez faire pour le soutenir :
- Discutez de ce dont il a besoin. Demandez-lui ce qu’il attend de vous.
- Conseillez-lui de demander l’avis d’un médecin. Ça ne change pas le projet d’arrêter seul et cela permet de prévenir les risques liés à la phase de sevrage.
- Pour l’aider à préparer son arrêt, consultez l'article "Comment arrêter de boire ?"
- Informez-vous sur les symptômes du sevrage. Cela vous permettra de le rassurer face à ce qu’il ressent. Vous pouvez aussi lire ensemble l’article "Sevrage : ce qu'il faut savoir pour mieux vous préparer".
S'il veut se faire aider pour arrêter l'alcool
Accepter d’être aidé est déjà un grand pas mais c’est une démarche qui peut être difficile pour votre proche. Vous pouvez :
- partager les informations que vous aurez pu trouver sur les différentes possibilités de prise en charge.
- lui proposer de l’aider pour trouver un centre de soins. Cependant, ne faites pas tout à sa place : c’est à lui de prendre rendez-vous et de s’engager activement dans cette démarche.
- lui proposer de l’accompagner à ses premiers rendez-vous s’il est inquiet. Le rendez-vous en lui-même se déroulera essentiellement sans vous mais cela peut le rassurer.
- chercher aussi une aide pour vous-même si vous vous sentez en difficulté.
Et vous dans tout ça ?
Aider votre conjoint ou votre proche à arrêter de boire, c’est avant tout le soutenir dans sa démarche sans faire les choses à sa place. Mais n’oubliez pas d’avoir des moments pour vous ressourcer ! Il faut préserver votre énergie si vous voulez l’aider.
Ce qui l'aidera dans tous les cas
À partir du moment où il a arrêté de boire, définissez ensemble les nouvelles règles vis-à-vis de l’alcool : Allez-vous garder des bouteilles d’alcool chez vous ? Consommer de l’alcool en sa présence ? Que faire lors des repas festifs, servir de l’alcool ou non ? Aidez-le à trouver une ou des boissons sans alcool qu’il apprécie. Vous pouvez par exemple consulter nos recettes de cocktails sans alcool.
- Essayez de ne pas le surveiller et de lui faire progressivement confiance.
- Encouragez-le dans la reprise d’activités qui lui font plaisir, le détendent
- Laissez-le vous parler de ce qu’il ressent, de ses difficultés.
- Pensez à le féliciter de ses réussites !
Sylvie : « Il faut parfois des ultimatums pour avancer »
Durée: 12 min
INTRODUCTION
Avec l'alcool, on peut parfois se sentir dépassé. Que faire lorsque l'on doit faire face à la dépendance d'une personne que l'on aime ? C'est l'histoire de Sylvie qui a dû vivre avec la dépendance de son mari pendant quinze ans et qui, au bout de tout ce temps, a trouvé le courage de poser des limites et d'enfin penser à elle.
Et si parfois, les décisions les plus difficiles étaient celles qui pouvaient changer le cours d'une vie ?
Sylvie :
Alors la personne de mon entourage, avec l'addiction, ça a été mon mari. Alors quand je l'ai connu, j'étais très jeune, j'avais 20 ans et c'était le garçon qui aimait bien faire la fête. Ce que l'on appelle aujourd'hui le bon vivant. A la maison, on buvait de l'eau et quand on faisait la fête avec les copains, c'était, on va dire alcool plus ou moins à gogo. Pour moi, c'était quelque chose de festif, c'était quelque chose de normal.
J'ai tenu un foyer sportif et alors là, c'était tous les soirs. Il rentrait du travail et il venait m'aider au bar. Et c'est là que ça a commencé vraiment. Les ivresses étaient vraiment très régulières. Pour moi, quelqu'un d'alcoolique, c'était quelqu'un qui était ivre. Ce n'était pas quelqu'un qui buvait trop. Donc quand il était ivre, je me disais Oui, il a un problème. Mais quand après il buvait ses doses pour être bien. Mais moi je ne me rendais pas compte qu'il avait bu peut être une certaine quantité. Et pour moi, il n'était pas malade. J'ai commencé à me rendre compte bien des années plus tard qu'il y avait un problème parce que là, c'était régulièrement les ivresses. Parce que qui dit ivresse quand on rentre à la maison, ben c'est on est malade. Qui nettoyait ? C'était moi. Alors en plus de ça, j'essayais de protéger mes enfants pour qu'ils voient le moins de choses possible. Sauf que on sait très bien qu'un enfant ça entend, si ça ne voit pas, mais ça entend. Mais moi, j'étais dans ma bulle. Je ne me rendais pas compte de ça à cette époque-là. Donc je nettoyais, et souvent, je lui disais il faut que tu arrêtes, il faut que tu arrêtes de boire.
Je te promets, je te promets. Lundi, après le weekend, j'arrête. Comme il ne buvait pas à la maison, pour moi, il buvait pas. Mais je pense qu'il prenait ses doses quand même. Ma famille à moi a commencé à nous faire rejeter. On nous invitait plus puisque chaque fois qu'on était invité quelque part, et bien chaque fois il y avait, on va dire une catastrophe. Il gâchait tout.
Et donc moi du coup, ben je ne voulais même plus sortir. Je suis arrivé que les fêtes de famille, ça devenait un calvaire quand on nous invitait bien sûr, et ça devenait un calvaire parce que je savais bien que ça allait se terminer pas bien. Et puis au fil du temps, il a commencé à avoir des factures impayées.
Parce que qui dit boire à l'extérieur, ça veut dire aussi dépenser de l'argent. Et il n’y avait que lui qui travaillait. Il était ouvrier d'usine à cette époque-là, on avait deux enfants, donc on avait des problèmes pour finir les fins de mois. Mais même pour arriver jusqu'au quinze, il y a des fois l'huissier, c'est arrivé qu’il vienne taper à la porte.
Vous savez, quand vous avez un huissier qui tape à votre porte et qu’il se présente, c'est une honte. J'ai tout mis en œuvre pour cacher. Voilà. Moi j'étais aussi dans ce qu'on appelle le déni. En fait, c'est ça. On imagine l'alcoolique, le gars SDF avec sa bouteille qui tient pas debout, qui bat sa femme. En fait, c'est les images que l'on a. Et moi je me refusais d'avoir un mari comme ça. Toutes les bêtises qu'il pouvait faire, je me mettais en quatre, en cinq pour pouvoir les réparer et pour que personne ne les voie.
Et puis ça a été une première alerte avec un retrait de permis avec l'alcool au volant. Et puis des analyses de sang mais des arrêts de travail aussi parce qu'il a commencé à avoir des accidents, des petits accidents de travail. Et ça, c'était sous l'emprise de l'alcool. Et plus ça allait, plus il y avait des problèmes on va dire.
Il est arrivé à un moment donné où il était tellement faible qu'il pouvait plus aller au travail. Mais il me mentait, il me disait qu'il partait au travail, il allait le matin comme s'il allait au travail et il n’allait pas au travail. Il allait dans les bars, il buvait sa dose et à la fin de sa journée, il rentrait à la maison comme s'il avait fait sa journée de travail.
Sauf qu'à son travail, ils s'étaient bien rendus compte que ça pouvait plus durer. Et c'est eux qui ont envoyé une lettre de licenciement. Je peux vous dire que quand le facteur est arrivé et que j'ai vu un recommandé, je me suis dit « Qu'est ce qui n'a pas été encore payé ? » Et quand j'ai ouvert la lettre et que j'ai vu la procédure de licenciement, là je peux vous dire j'ai cru que le ciel me tombait sur la tête.
Je le revis encore. J'ai des frissons quand je dis ça, parce que c'est comme si on m'avait donné un coup de pied aux fesses.
Là, j'ai dit il faut que ça s'arrête. Et quand il est arrivé du travail, il est arrivé un petit peu la fleur au fusil, tout guilleret. Et moi je lui ai dit : « d’où tu viens ? » Et il me dit : « du travail ». Et là c'est sorti, je lui ai dit : « tu es un menteur ». Il me dit : « non, je ne suis pas un menteur. »
Je lui ai dit : « ça c'est quoi ? » Et je lui ai montré la lettre de licenciement. Ça m'a fait un électrochoc à moi et c'est là qu'il a dit : « bon ben je vais en soins. »
Il est rentré dans une clinique le 14 février 2001. C'était une belle Saint-Valentin !
Je vais vous dire que je le revois encore quand je l'ai accompagné, on était dans la salle d'attente en train d'attendre le psychiatre. Il m'a dit : « T'es contente, t'as réussi à avoir ce que tu voulais, tu m'enfermes ici et tu vas garder la maison et les enfants. »
Ça, ça a été dur et je me suis dit non, lâche pas, lâche pas, Il faut que ça aille au bout. Et là, je lui ai dit « Je te préviens, je ne veux pas te voir à la maison, je te téléphonerai tous les soirs. Le samedi après –midi, je viendrai toute seule chercher le linge sale et je reviendrai le dimanche après- midi avec du linge propre et les enfants. Mais tu t'occupes de toi, tu te soignes. »
J'ai été voir un juge des affaires familiales. On a été convoqué devant le juge parce que il y avait des crédits à la consommation qui avaient été pris. Il y avait des dettes et le juge m'a nommée sa tutrice. Il a été hospitalisé huit mois. Pendant ces huit mois, j'ai tout remboursé. Il faut que je retrouve ma dignité, ma fierté. Il faut que moi aussi je me remue. J'avais besoin de ça. Je crois que c'est à ce moment-là que je me suis dit : « T'es accompagnante » Et plus dans la codépendance, je fais plus pour lui. Il fera les choses pour lui et moi je les fais pour moi et je lui fais plaisir. Quand il fait quelque chose, je lui dis que c'est bien et je lui dis que c'est mal quand c’est pas bien aussi. Et puis je crois que c'est à ce moment-là aussi qu'on a appris à discuter.
Les soins, il est loin, il n'est pas à la maison. Mais le retour des soins. Quand vous partez comme ça, tant de temps et que vous revenez à la maison, que l'autre revient à la maison. Ça aussi, c'est quelque chose… Alors on a discuté, on s'est mis à faire beaucoup plus de choses ensemble, et notamment l'association ( La Santé de la Famille, une association d’entraide) Il a adhéré, il avait pris connaissance de l'association pendant ses soins, la Santé de la famille et ça lui a plu parce qu'il y avait le mot famille et qu'on pouvait emmener la famille.
Il m'avait dit : « Tu sais, cette association, tu peux venir avec les enfants et tout ça. Il y a plein d'activités. » Et alors au début, je ne voulais pas trop parce que je m'étais dit c'est quelque chose à lui, c'est pour lui. Et puis j'ai commencé à participer à des groupes de parole aussi. Et puis de fil en aiguille, eh bien ça m'a un peu plu. Je me suis rendue compte que je n'étais pas toute seule, que toutes les femmes qui étaient là, elles avaient vécu plus ou moins la même chose que moi.
Même Mes enfants m'ont ouvert les yeux un petit peu, m'ont rappelé. Ils m'ont dit violence physique ? Non, mais verbale oui. Moi il y a beaucoup de choses que je ne me rappelle pas. Ma fille m'a dit « Tu voulais le voir mourir d'un accident de voiture sans qu’il ne tue personne contre un arbre. Voilà, tu voulais. » Et quand elle m'a dit ça, je lui ai dit : « T'es sûre que j'ai dit ? » Elle m'a dit « oui, tu nous as bien dit ça » Et j'aurais même employé le mot crever. Tu ne vas pas crever contre un mur.
Et je pense que c'est des paroles qui sont tellement dures que je les ai oubliées. Enfin, je ne veux pas m'en rappeler. Je ne veux pas m'en rappeler.
Les choses ont retrouvé leur place petit à petit. Moi j'ai appris aussi à lui faire confiance. Il faut aussi redonner sa chance à l'autre. Il l'avait perdue à un moment donné. Mais voilà, tous les jours. Il me prouve qu'il mérite cette confiance. La confiance, ça s'est perdu. Il a fallu la regagner. Et ça, ça s'est fait au fil des mois et au fil des années.
Aujourd'hui, on discute beaucoup plus qu'on ne le faisait, même au début qu'on était mariés. On est comme les deux doigts de la main. Mais ça a demandé du temps, ça c'est sûr. Ça a demandé aussi un travail que moi j'ai fait.
Quand j'ai fait ma psychothérapie, ma psychiatre une fois, et c'est elle qui a aussi déclenché ça parce qu'elle m'a posé une question. Elle m'a dit : « Qu'est-ce que vous faites pour vous ? » Et bien là, je n'ai pas su lui répondre parce qu'en fait, j'ai toujours vécu pour les autres ; et les autres c’était mon mari et mes enfants et pour moi il n’y avait rien.
Et la chose que j'ai faite pour moi, c'est que je me suis inscrite à des cours du yoga et en fait c'est là que j'ai appris à lâcher prise, lâcher prise et à respirer.
Je suis trop heureuse comme je suis aujourd'hui. Je pense que Dominique aussi, puisqu'il le dit. On est trop heureux comme ça. On voit nos enfants, nos petits-enfants régulièrement. Ce sont mes rayons de soleil, mon bonheur. L'avenir, je l'envisage à continuer à aider les autres, à faire de la prévention, de l'accompagnement au sein de mon association.
Conclusion
Ce podcast vous a été proposé par Alcool Info Service.
Myriam : « L’amour n’est pas la solution, mais ça a aidé »
Durée: 11 min
Introduction
Avec l'alcool, on peut parfois se sentir dépassé. Que faire lorsque l'on doit faire face à la dépendance d'une personne que l'on aime ? C'est l'histoire de Myriam qui a vu son quotidien peu à peu bouleversé par la dépendance de sa compagne. A travers son témoignage, nous découvrons une histoire d'amour et de résilience.
Et si, il était encore possible de retrouver un nouvel équilibre dans son couple ?
Myriam :
Dans mon entourage, la personne qui est touchée donc c’est mon épouse, je ne nous appelais plus un couple mais un trouple. Parce que l'alcool, c'était vraiment la personne qui venait s'incruster entre nous deux. On n’était pas deux, on était trois et il fallait toujours parlementer avec cet alcool. Il fallait faire attention à qu'est-ce qu'on allait faire pendant la journée ? Qu'est-ce qu'on allait faire pendant la soirée ? Faire attention à ne pas avoir d'élément déclencheur.
Quand on s'est connues, elle était déjà plus ou moins dans ce problème là, mais qui était un peu caché dans l'esprit un peu plus jeune, avec les fêtes, les problèmes de rupture, les problèmes familiaux qui donnaient ce déclic « ce soir, j'ai le droit de boire, j'ai le droit de faire la fête, j'ai le droit d'oublier. » Il était omniprésent, tout le temps. Et autant au départ, c'était quelque chose qui pouvait se faire que les soirées, voire même au tout début, que le week-end. Autant ça prenait de plus en plus de place. Je ne voulais plus trop répondre aux invitations que les amis pouvaient nous faire, parce que c'est à quel moment ça va dérailler, à quel moment ça va partir en cacahuète et comment on va faire pour rattraper la sauce ?
Alors chez elle, ça provoquait au départ une grande euphorie. Elle pouvait être rigolote, mais très vite, ça se transformait en animosité, en violence verbale, en rabaissement. J'étais sa cible privilégiée, forcément. Mais après, ça pouvait être envers tout le monde. Mon rôle à moi, c'était d'essayer de contenir, de contenir cette troisième personne. Avec un peu de honte, même beaucoup de honte, il faut dire ce qui est. Il faut composer et apaiser d'un côté, de libérer de l'autre de s'enfuir quelque part. Il y a eu deux soirées, on est partis, on est partis avec les enfants, on a été se libérer et puis ne plus penser à tout ça. C'est quand ça commence à un peu trop dérailler sur les enfants que là je me suis dit que j'étais plus capable. Les enfants n'avaient pas à vivre dans cet univers. C'est pas possible.
Il y a eu plusieurs périodes où je me suis dit « il faut que j'agisse ». Je suis passée par la case où je retire tout l'alcool de la maison. Plus une seule goutte d'alcool ne doit rentrer dans cette maison. Ça avait marché pas trop mal, mais c'était reculer pour mieux sauter. Il y a eu une autre période où c'était un mois avant le mariage, où je dis stop il n'y aura pas de mariage, ce n'est pas possible. Et là, il y a eu un nouveau stop impeccable elle s’était très très bien tenue. Elle avait très bien lutté contre la chose. Il y a eu la rechute au mariage terrible, terrible. Ça a été à la fois le pire jour de ma vie et le meilleur jour de ma vie.
Et puis après le mariage, je me suis sentie trop fatiguée pour combattre. J'étais tellement fatiguée qu'il y avait même plus de colère. Et cette fois-là, j'ai dit stop ! Stop ! Pour me protéger, pour protéger les enfants, pour que nous on puisse aller de l'avant. Stop. J'ai bien compris que c'est une maladie, mais un malade, quand il sait qu'il est malade, il se fait soigner, un malade, moi je veux bien l'accompagner s’il va voir le docteur. Et elle a été voir le docteur. Moi j'étais fatiguée, ma décision était prise. Il fallait qu'on s'en aille. Et là, elle me dit J'ai pris rendez-vous, j'attends qu'on me rappelle pour un rendez-vous. Et là, c'est une attente qui est interminable. Quinze jours / trois semaines où on se demande est ce que c'est pas demain la rechute ? Est ce qu'elle va réussir à tenir jusqu'à ce fameux rendez-vous qui l’amènera à l'étape d'après ? Ça, ça a été terrible. Et du coup, elle a été suivie après ultra régulièrement. Et puis ça s'est toujours très bien passé.
Moi, de mon côté, je me suis fait suivre aussi. Et puis on a rencontré aussi un thérapeute pour le couple, pour pouvoir aller de l'avant. Et la première chose que nous a dite la thérapeute quand elle nous a reçus en couple, c'est « on est ici parce que il y a eu un arrêt l'alcool et une prise en charge de l'alcool ». Oui ? Et ben on n’en parle plus. Sur le coup, ça a été ma grosse douche froide. Et quand est-ce que je m'exprime là-dedans ? Je l'ai trouvée complètement farfelue, je me suis dit, mais elle est dérangée cette dame, c'est pas possible, elle n’a pas compris pourquoi on venait. Quand on fait le bilan maintenant. Qu'est-ce que ça aurait apporté ?
C'est un chemin qui est très lourd pour la personne qui est alcoolique. Et mis à part rajouter tous, tous ces souvenirs qu'elle n'a pas et tant mieux pour elle, à la limite. Ça, ça l'aurait fait culpabiliser encore plus. Non, finalement, c'est vrai que ça n'avait pas sa place là où j'avais ma place moi, après, c'est de faire ma thérapie de mon côté pour évacuer tout le malaise ou toute l'aigreur et la rancœur que je pouvais avoir quand une personne alcoolique fait entre guillemets ses crises, elle s'en souvient pas derrière, elle s'en souvient pas.
Mais nous qui n'y sommes pas, c'est une double punition parce que on a eu cette crise et puis on doit pardonner quelque chose parce qu’ils ne s'en souviennent pas. Bah c'est pas grave, je m'en souviens pas. Passe au-dessus et ça c'est terrible. Nous, on a eu la chance d'avoir un amour qui soit plus grand que tout ce qui a été cassé, mais l'assiette quand elle est cassée, on a beau la recoller, il y a toujours des fissures et suivant les fissures qu'on a, et bien la colle que la personne alcoolique mettra pour s'en sortir ne sera pas suffisante pour le couple perdure.
Il y a des personnes pour qui c'est trop tard pour le couple, mais pas pour la personne. Quand on dit il faut que tu sois là pour la soutenir, t'as pas le droit de la lâcher maintenant. Mais qui peut dire ça ? Qui a le droit de dire ça ? Personne n'a vécu ce que les personnes qui entourent les alcooliques vivent. Personne.
Il y a des choses qui malheureusement, même si elles sont explicables, ne sont pas excusables.
On en a beaucoup parlé avec les enfants quand il y a eu cet arrêt, parce que c'est pas évident. C'est une période où on a essayé au maximum de limiter toutes les causes qui pouvaient mettre des frictions au sein de la maison. Donc tout le monde a pris un peu sur soi et puis essayer de temporiser un maximum de choses. Ils avaient tous besoin, je pense, de dialoguer à un moment, que tout le monde se sente libre de pouvoir s'exprimer comme il le veut, quand il le veut.
Alors ils ont fait attention devant elle au départ pour pas la frustrer, pour pas la choquer, pour pas la chagriner. Mais progressivement, maintenant on peut en parler tous, même avec elle il y a plus aucun souci, il n’y a pas de tabou. Et en plus ça leur montre, Attention, [l’alcool] ça peut être rigolo en fiesta, mais c'est quelque chose qui devient très très vite un poison.
Notre équilibre n’est pas encore tout à fait retrouvé. Je pense qu'il nous faudra encore quelques mois.
Quelque part, j'ai infantilisé [Nadège] pendant toutes ces années parce que du coup, je n'avais aucune confiance en elle pour s'occuper des enfants. Donc je m'arrangeais pour qu'elle s'en occupe le moins possible toute seule. Après il faut apprendre à donner un rôle, vraiment d'adulte et de parent à cette personne complètement. C'est une personne responsable et qui a besoin de ses responsabilités pour pouvoir continuer sa vie.
Et puis avoir pleinement tous les avantages de son arrêt de l'alcool, toute sa légitimité dans son rôle de parent et d'adulte à la maison.
Je ne me vois pas du tout pouvoir faire un repas ou autre et partager un verre d'alcool avec elle. J'aurais trop la crainte que tout recommence. Tout ce qu'on a gagné, toute cette sérénité qu'on a gagnée ; tout reperdre pour un verre à l'heure d'aujourd'hui, je suis pas prête du tout à le jouer et je ne sais pas si un jour je serai prête à le jouer tellement ça nous a fait de mal avant.
Alors aujourd'hui, les bénéfices que je peux retirer de cet arrêt de l'alcool, c'est retrouver ma compagne, ne plus à partager avec ce fameux alcool qui venait entre nous, la voir s'épanouir avec les enfants. Moi, mon objectif, c'est que mes enfants soient le plus épanouis possible, que ce soit avec moi comme avec l'autre parent. Donc effectivement, ça, ça joue énormément.
Et puis ce calme dans la maison. On est content de revenir au sein de notre foyer et de repartager ensemble.
Conclusion
Ce podcast vous a été proposé par Alcool Info Service.