Alcool : à partir de quand s’inquiéter pour votre proche ?
La consommation d’alcool de votre proche vous questionne ? Vous ne savez pas si vous devez vous alarmer, surtout si votre proche estime ne pas avoir de problème avec l’alcool. Voici quelques pistes pour faire le point et identifier une consommation problématique d’alcool.
Sommaire
Dépendance à l’alcool : les signes les plus visibles
Vous constatez des changements dans la consommation d’alcool de votre proche :
- Il ou elle boit de plus en plus souvent.
- Les quantités d’alcool sont plus importantes.
- Les jours sans consommation d’alcool sont plus rares.
- Après le premier verre d’alcool consommé, votre proche a du mal à s’arrêter de boire.
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L’addiction, on s’en parle ?
Où commence l’addiction à l’alcool ?
Dr. Michaël Bisch, Psychiatre addictologue au CHU de Nancy
Dre. Amandine Luquiens, Psychiatre addictologue au CHU de Nîmes
Élodie, 42 ans :
« Au début, je consommais de l'alcool pour des soirées ou fêtes entre amis. Mais ces dernières années, je me rends compte que je bois le soir, même seule, pour me relaxer du travail, ça devient une habitude. Suis-je en train de développer une addiction à l'alcool ? »
Dr. Michaël Bisch :
Tout d'abord Élodie, c'est une bonne chose de se poser la question. L'addiction se caractérise par une perte de contrôle sur les usages d'alcool, par le fait de consommer par exemple plus souvent ou en quantité plus importante que prévue. Elle se caractérise aussi par des efforts peu efficaces pour réduire ou arrêter sa consommation.
Dre. Amandine Luquiens :
L'addiction, ça peut être aussi attendre de l'alcool qu’il nous aide à gérer certaines émotions, comme par exemple, qu’il nous relaxe. C'est aussi constater qu'on a du mal à faire autrement pour gérer certaines situations.
Fabien, 39ans :
« J'ai toujours bu des verres, mais avec le temps, j'ai commencé à boire plus fréquemment. Au début, c'était un verre de vin le soir, mais maintenant, je ne peux plus passer une journée sans alcool. Comment une habitude peut-elle se transformer en addiction aussi rapidement ? »
Dr. Michaël Bisch :
L'addiction, c'est une maladie qui s'installe différemment chez les personnes parce que toutes les personnes ne sont pas égales devant les effets du produit. Certaines personnes ont des fragilités particulières. L’environnement joue également une place extrêmement importante dans la survenue d'une addiction, d’autant plus que l'on est exposé de manière fréquente ou intensive à l'alcool.
Dre. Amandine Luquiens :
On peut développer un problème d'alcool à tout âge de la vie. C'est toujours intéressant de remarquer qu'il y a eu un changement. Par exemple, si on s'expose à une conséquence négative et qu'on arrive à modifier son comportement, à se protéger, alors on n'est pas forcément rentré dans un processus addictif. Si on continue à reproduire ce comportement malgré les conséquences négatives, alors ça peut être un signe de l'addiction.
Sophie, 33 ans :
Je pensais avoir le contrôle sur ma consommation d’alcool, mais j'ai récemment manqué une réunion importante au travail parce que j'étais trop ivre de la veille. Est-ce que je dois consulter ?
Dr. Michaël Bisch :
Sophie, vous avez raison de vous interroger. Effectivement, manquer à une obligation professionnelle ou scolaire, c'est quelque chose qui doit amener à s'interroger sur sa consommation d'alcool. Il y a d'autres symptômes qui peuvent alerter, le fait de passer du temps à récupérer des effets, c'est-à-dire avoir une gueule de bois, sont des signes qui peuvent alerter et doivent amener à consulter. Quoi qu'il en soit, réduire sa consommation d'alcool est toujours bon pour la santé.
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Vous observez un changement dans son comportement :
- Il est plus difficile à vivre, il s’isole plus souvent, il paraît plus « absent ».
- Il a des changements brusques de comportement. Il peut devenir soudainement agressif (voire violent) ou, à l’inverse, très joyeux sans raison.
- Il devient nerveux quand l’alcool manque à la maison.
- Il fait en sorte d’avoir toujours de l’alcool à portée de main.
- Vous n’arrivez plus à partager des moments avec votre proche sans que l’alcool soit présent.
Les situations qui vous font douter
Parfois les apparences peuvent être trompeuses. Voici des situations qui peuvent vous faire douter de votre jugement :
- Votre proche n’est jamais vraiment ivre.
Cela ne veut pas forcément dire qu’il ne boit pas beaucoup d’alcool. Les personnes qui ont l’habitude de boire deviennent plus difficilement ivres. Leur corps s’est habitué à l’alcool. - Votre proche ne boit jamais seul.
On peut avoir des problèmes avec l’alcool tout en buvant toujours en compagnie d’autres personnes. Les occasions de boire peuvent être très fréquentes et les quantités d’alcool bues importantes. - Votre proche évoque toujours une bonne raison pour boire.
Il est stressé, en colère, fatigué, content, joyeux, triste, déprimé… Si tout devient un prétexte pour boire, c’est que votre proche utilise peut-être l’alcool pour affronter ses émotions ou pour oublier son quotidien. - Vous ne le voyez pas souvent boire mais vous le voyez dans des états bizarres.
Parfois, vous retrouvez des bouteilles ou des canettes vides dans des endroits où elles ne devraient pas être. Cacher sa consommation d’alcool est fréquent chez les personnes qui ont un problème d’alcool. Cela peut être par honte mais aussi pour éviter les réflexions des proches.
Sylvie : « Pour moi, quelqu'un d'alcoolique c'était quelq'un qui était ivre »
Durée: 12 min
INTRODUCTION
Avec l'alcool, on peut parfois se sentir dépassé. Que faire lorsque l'on doit faire face à la dépendance d'une personne que l'on aime ? C'est l'histoire de Sylvie qui a dû vivre avec la dépendance de son mari pendant quinze ans et qui, au bout de tout ce temps, a trouvé le courage de poser des limites et d'enfin penser à elle.
Et si parfois, les décisions les plus difficiles étaient celles qui pouvaient changer le cours d'une vie ?
Sylvie :
Alors la personne de mon entourage, avec l'addiction, ça a été mon mari. Alors quand je l'ai connu, j'étais très jeune, j'avais 20 ans et c'était le garçon qui aimait bien faire la fête. Ce que l'on appelle aujourd'hui le bon vivant. A la maison, on buvait de l'eau et quand on faisait la fête avec les copains, c'était, on va dire alcool plus ou moins à gogo. Pour moi, c'était quelque chose de festif, c'était quelque chose de normal.
J'ai tenu un foyer sportif et alors là, c'était tous les soirs. Il rentrait du travail et il venait m'aider au bar. Et c'est là que ça a commencé vraiment. Les ivresses étaient vraiment très régulières. Pour moi, quelqu'un d'alcoolique, c'était quelqu'un qui était ivre. Ce n'était pas quelqu'un qui buvait trop. Donc quand il était ivre, je me disais Oui, il a un problème. Mais quand après il buvait ses doses pour être bien. Mais moi je ne me rendais pas compte qu'il avait bu peut être une certaine quantité. Et pour moi, il n'était pas malade. J'ai commencé à me rendre compte bien des années plus tard qu'il y avait un problème parce que là, c'était régulièrement les ivresses. Parce que qui dit ivresse quand on rentre à la maison, ben c'est on est malade. Qui nettoyait ? C'était moi. Alors en plus de ça, j'essayais de protéger mes enfants pour qu'ils voient le moins de choses possible. Sauf que on sait très bien qu'un enfant ça entend, si ça ne voit pas, mais ça entend. Mais moi, j'étais dans ma bulle. Je ne me rendais pas compte de ça à cette époque-là. Donc je nettoyais, et souvent, je lui disais il faut que tu arrêtes, il faut que tu arrêtes de boire.
Je te promets, je te promets. Lundi, après le weekend, j'arrête. Comme il ne buvait pas à la maison, pour moi, il buvait pas. Mais je pense qu'il prenait ses doses quand même. Ma famille à moi a commencé à nous faire rejeter. On nous invitait plus puisque chaque fois qu'on était invité quelque part, et bien chaque fois il y avait, on va dire une catastrophe. Il gâchait tout.
Et donc moi du coup, ben je ne voulais même plus sortir. Je suis arrivé que les fêtes de famille, ça devenait un calvaire quand on nous invitait bien sûr, et ça devenait un calvaire parce que je savais bien que ça allait se terminer pas bien. Et puis au fil du temps, il a commencé à avoir des factures impayées.
Parce que qui dit boire à l'extérieur, ça veut dire aussi dépenser de l'argent. Et il n’y avait que lui qui travaillait. Il était ouvrier d'usine à cette époque-là, on avait deux enfants, donc on avait des problèmes pour finir les fins de mois. Mais même pour arriver jusqu'au quinze, il y a des fois l'huissier, c'est arrivé qu’il vienne taper à la porte.
Vous savez, quand vous avez un huissier qui tape à votre porte et qu’il se présente, c'est une honte. J'ai tout mis en œuvre pour cacher. Voilà. Moi j'étais aussi dans ce qu'on appelle le déni. En fait, c'est ça. On imagine l'alcoolique, le gars SDF avec sa bouteille qui tient pas debout, qui bat sa femme. En fait, c'est les images que l'on a. Et moi je me refusais d'avoir un mari comme ça. Toutes les bêtises qu'il pouvait faire, je me mettais en quatre, en cinq pour pouvoir les réparer et pour que personne ne les voie.
Et puis ça a été une première alerte avec un retrait de permis avec l'alcool au volant. Et puis des analyses de sang mais des arrêts de travail aussi parce qu'il a commencé à avoir des accidents, des petits accidents de travail. Et ça, c'était sous l'emprise de l'alcool. Et plus ça allait, plus il y avait des problèmes on va dire.
Il est arrivé à un moment donné où il était tellement faible qu'il pouvait plus aller au travail. Mais il me mentait, il me disait qu'il partait au travail, il allait le matin comme s'il allait au travail et il n’allait pas au travail. Il allait dans les bars, il buvait sa dose et à la fin de sa journée, il rentrait à la maison comme s'il avait fait sa journée de travail.
Sauf qu'à son travail, ils s'étaient bien rendus compte que ça pouvait plus durer. Et c'est eux qui ont envoyé une lettre de licenciement. Je peux vous dire que quand le facteur est arrivé et que j'ai vu un recommandé, je me suis dit « Qu'est ce qui n'a pas été encore payé ? » Et quand j'ai ouvert la lettre et que j'ai vu la procédure de licenciement, là je peux vous dire j'ai cru que le ciel me tombait sur la tête.
Je le revis encore. J'ai des frissons quand je dis ça, parce que c'est comme si on m'avait donné un coup de pied aux fesses.
Là, j'ai dit il faut que ça s'arrête. Et quand il est arrivé du travail, il est arrivé un petit peu la fleur au fusil, tout guilleret. Et moi je lui ai dit : « d’où tu viens ? » Et il me dit : « du travail ». Et là c'est sorti, je lui ai dit : « tu es un menteur ». Il me dit : « non, je ne suis pas un menteur. »
Je lui ai dit : « ça c'est quoi ? » Et je lui ai montré la lettre de licenciement. Ça m'a fait un électrochoc à moi et c'est là qu'il a dit : « bon ben je vais en soins. »
Il est rentré dans une clinique le 14 février 2001. C'était une belle Saint-Valentin !
Je vais vous dire que je le revois encore quand je l'ai accompagné, on était dans la salle d'attente en train d'attendre le psychiatre. Il m'a dit : « T'es contente, t'as réussi à avoir ce que tu voulais, tu m'enfermes ici et tu vas garder la maison et les enfants. »
Ça, ça a été dur et je me suis dit non, lâche pas, lâche pas, Il faut que ça aille au bout. Et là, je lui ai dit « Je te préviens, je ne veux pas te voir à la maison, je te téléphonerai tous les soirs. Le samedi après –midi, je viendrai toute seule chercher le linge sale et je reviendrai le dimanche après- midi avec du linge propre et les enfants. Mais tu t'occupes de toi, tu te soignes. »
J'ai été voir un juge des affaires familiales. On a été convoqué devant le juge parce que il y avait des crédits à la consommation qui avaient été pris. Il y avait des dettes et le juge m'a nommée sa tutrice. Il a été hospitalisé huit mois. Pendant ces huit mois, j'ai tout remboursé. Il faut que je retrouve ma dignité, ma fierté. Il faut que moi aussi je me remue. J'avais besoin de ça. Je crois que c'est à ce moment-là que je me suis dit : « T'es accompagnante » Et plus dans la codépendance, je fais plus pour lui. Il fera les choses pour lui et moi je les fais pour moi et je lui fais plaisir. Quand il fait quelque chose, je lui dis que c'est bien et je lui dis que c'est mal quand c’est pas bien aussi. Et puis je crois que c'est à ce moment-là aussi qu'on a appris à discuter.
Les soins, il est loin, il n'est pas à la maison. Mais le retour des soins. Quand vous partez comme ça, tant de temps et que vous revenez à la maison, que l'autre revient à la maison. Ça aussi, c'est quelque chose… Alors on a discuté, on s'est mis à faire beaucoup plus de choses ensemble, et notamment l'association ( La Santé de la Famille, une association d’entraide) Il a adhéré, il avait pris connaissance de l'association pendant ses soins, la Santé de la famille et ça lui a plu parce qu'il y avait le mot famille et qu'on pouvait emmener la famille.
Il m'avait dit : « Tu sais, cette association, tu peux venir avec les enfants et tout ça. Il y a plein d'activités. » Et alors au début, je ne voulais pas trop parce que je m'étais dit c'est quelque chose à lui, c'est pour lui. Et puis j'ai commencé à participer à des groupes de parole aussi. Et puis de fil en aiguille, eh bien ça m'a un peu plu. Je me suis rendue compte que je n'étais pas toute seule, que toutes les femmes qui étaient là, elles avaient vécu plus ou moins la même chose que moi.
Même Mes enfants m'ont ouvert les yeux un petit peu, m'ont rappelé. Ils m'ont dit violence physique ? Non, mais verbale oui. Moi il y a beaucoup de choses que je ne me rappelle pas. Ma fille m'a dit « Tu voulais le voir mourir d'un accident de voiture sans qu’il ne tue personne contre un arbre. Voilà, tu voulais. » Et quand elle m'a dit ça, je lui ai dit : « T'es sûre que j'ai dit ? » Elle m'a dit « oui, tu nous as bien dit ça » Et j'aurais même employé le mot crever. Tu ne vas pas crever contre un mur.
Et je pense que c'est des paroles qui sont tellement dures que je les ai oubliées. Enfin, je ne veux pas m'en rappeler. Je ne veux pas m'en rappeler.
Les choses ont retrouvé leur place petit à petit. Moi j'ai appris aussi à lui faire confiance. Il faut aussi redonner sa chance à l'autre. Il l'avait perdue à un moment donné. Mais voilà, tous les jours. Il me prouve qu'il mérite cette confiance. La confiance, ça s'est perdu. Il a fallu la regagner. Et ça, ça s'est fait au fil des mois et au fil des années.
Aujourd'hui, on discute beaucoup plus qu'on ne le faisait, même au début qu'on était mariés. On est comme les deux doigts de la main. Mais ça a demandé du temps, ça c'est sûr. Ça a demandé aussi un travail que moi j'ai fait.
Quand j'ai fait ma psychothérapie, ma psychiatre une fois, et c'est elle qui a aussi déclenché ça parce qu'elle m'a posé une question. Elle m'a dit : « Qu'est-ce que vous faites pour vous ? » Et bien là, je n'ai pas su lui répondre parce qu'en fait, j'ai toujours vécu pour les autres ; et les autres c’était mon mari et mes enfants et pour moi il n’y avait rien.
Et la chose que j'ai faite pour moi, c'est que je me suis inscrite à des cours du yoga et en fait c'est là que j'ai appris à lâcher prise, lâcher prise et à respirer.
Je suis trop heureuse comme je suis aujourd'hui. Je pense que Dominique aussi, puisqu'il le dit. On est trop heureux comme ça. On voit nos enfants, nos petits-enfants régulièrement. Ce sont mes rayons de soleil, mon bonheur. L'avenir, je l'envisage à continuer à aider les autres, à faire de la prévention, de l'accompagnement au sein de mon association.
Conclusion
Ce podcast vous a été proposé par Alcool Info Service.
Quelques conseils pour avancer
Si certaines de ces situations concernent votre proche, voici quelques conseils :
- Parlez de votre inquiétude à votre proche. Essayez de lui dire ce que vous ressentez, les difficultés que vous rencontrez à le voir boire ainsi. Si vous souhaitez avoir des conseils, consultez l’article comment dialoguer avec un proche qui boit ?
- Informez-vous pour mieux comprendre l’addiction à l’alcool et ses différentes formes.
- Ne restez pas seul. Parlez-en à des personnes en qui vous avez confiance, que ce soit un de vos proches ou un professionnel. Sur notre forum pour les proches, vous pouvez aussi échanger anonymement avec des personnes dans la même situation que vous.
- Enfin, pensez bien à prendre soin de vous. Avoir un proche avec une addiction à l’alcool est une situation difficile à vivre. Ne portez pas tout à bout de bras. N’hésitez pas à vous faire aider, consultez l’article sur les aides pour l’entourage.
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