Par où commencer... En disant que je suis alcoolique est certainement un bon début.
J'ai conscience d'avoir une consommation excessive depuis très longtemps. Au début c'était trop mais seulement lors de soirées, jamais seule, jamais en dehors. Et puis j'ai connu mon conjoint, il y près d'une vingtaine d'années. Je ne crois pas qu'on ai passé un week-end sans alcool depuis qu'on est ensemble. Pas forcément en "trop" grande quantité, mais quand même... Et puis notre consommation a augmenté petit à petit, avec des prises de conscience de ma part que mon rapport à l'alcool, ma consommation se compliquait de plus en plus. Il y a plusieurs années de cela, on est partis en vacances à la neige en emportant une bouteille de vin pour chaque soir en se disant qu'on ramènerait ce qu'on n'avait pas bu... On a du en racheter... Je crois que c'est là qu'ont commencés les réveils autour de 3 ou 4 h du mat, avec l'impression de puer l'alcool, les pensées négatives, la culpabilité, et les premières promesses à moi même et non tenues de ne pas boire le soir suivant.
Les quantités et la fréquence ont continué à augmenter, j'ai commencé à préférer boire que manger commençant à boire tôt dans la soirée pour être sûre de boire assez avant d'aller me coucher. Je me suis aussi rendue compte que je calculais comment boire plus, plus longtemps, à favoriser les occasions, les bonnes comme les mauvaises sont devenues prétexte à ouvrir une bouteille : que ce soit pour fêter ou pour oublier, quand on cherche, on trouve.
J'ai tiré une première sonnette d'alarme en contactant une chef de service loin de chez moi qui réalisait des consultations en visio. Le rendez-vous s'est terminé avec une prescription d'anti-anxiolitiques et d'anti-dépresseurs, mais je ne me sentais ni dépressive ni anxieuse, je voulais seulement ne plus avoir envie de boire ! Le rendez-vous suivant a été annulé, j'ai fait une crise d'angoisse en prenant un anti-dépresseur, j'ai ralenti un peu ma consommation le temps de me raconter que ce n'était pas "si pire" que ça et puis ma consommation a repris son cours et a continué à augmenter doucement mais surement... ainsi que mon rejet de moi-même.
Je me vois boire devant mes enfants soit disant parce qu'on prend l'apéro (un mercredi soir, sans saucisson ni cacahuètes) en me disant que la norme dans laquelle ils vont se construire c'est qu'on boit beaucoup et n'importe quand, leur servir un jus de fruits pour m'accompagner, me fâcher parce qu'ils sont brusques et ont failli renverser mon verre...
Depuis quelques temps je me rends compte que je ne me souviens de moins en moins de comment je suis allée me coucher. Je découvre à l'attitude de mon conjoint qu'on a du se disputer la veille, mais je n'en ai aucun souvenir. Je me surprends lors d'un bon moment au coucher de mes fils à me dire que j'espère que je m'en souviendrais le lendemain, voire à l'écrire pour être sûre de ne pas oublier. Je n'ai pas éthylotest mais je sais que certains matins, quand j’emmène mon fils à l'école en voiture, je ne passerais pas un contrôle de police. J'ai de plus en plus honte, de plus en plus peur.
Je suis passée de trouver des prétextes, à boire toute seule en cachette. Aaaah les fameuses et dégueulasses petites bouteilles de vin de cuisine, ça se boit vite (avec quelques frissons quand même), ça se cache facilement dans la poubelle et comme je suis la seule à cuisiner je sais bien où en sont les stocks...
J'ai eu une prise de conscience à la fin de l'été, les cubis c'est magique pour boire en douce (sauf quand on a tout bu toute seule ou presque...). J'ai formulé pour la première fois que j'étais alcoolique à mon conjoint qui, s'il avait bien remarqué que je consommais beaucoup, n'avait pas conscience de l'ampleur des quantités et de mon mal être.
On a décidé de nous faire un dry-september. Que j'ai réussi, non sans mal, mais réussi ! J'en ai voulu à mon mari que ce soit aussi facile pour lui. S'il a reconnu avoir eu envie de boire une bière ou un verre de vin les week-ends, ça a été ses seules difficultés. Alors que moi, j'aurais passé mes soirées à brailler sur tout le monde tellement la frustration était forte ! Et puis au bout de 2 semaines, c'est devenu plus facile, une sorte d'habitude de ne pas boire s'est installée mais l'idée que ce fichu mois allait bientôt se finir me satisfaisait tout autant.
Je le craignais, ça n'a pas loupé, j'ai "dignement" fêté cette reprise de ma consommation en buvant encore plus, encore plus en cachette et en étant encore plus mal.
J'ai lu certains posts ici et je ne me suis plus sentie seule, je me suis reconnue… ça m’a donné l’espoir que m’en sortir était possible. Mais il faut faire le deuil de l’alcool, du bien être qu’il procure (de moins en moins certes), réenvisager les soirées, les rapports avec les gens qui m’entourent… Et ça reste difficile de me dire « plus jamais ». Alors je me suis fais une promesse, la même que je me suis faite quand j’ai arrêté la cigarette : quand je serai très vieille, je m’y remettrai ! Je n’y crois pas hein, je ne le souhaite même pas vraiment mais c’est ce qui m’a permis de me dire que ce n’était pas un vrai arrêt, juste une pause (très longue), ce qui m’a permis de ne pas en refumer une maintenant mais que ce n’était si difficile parce que plus tard, bien plus tard, je refumerai… et toc…
Alors ce matin j’ai essayé de négocier avec moi-même, d’attendre d’avoir passé le futur repas avec des copains prévu jeudi soir, mais je ne veux plus attendre. Je veux me sortir de là, pour préserver ma vie, épargner mes enfants d’avoir à vivre et subir une mère alcoolique, pouvoir les accompagner le plus longtemps possible.
Quand j’ai expliqué à mon fils aîné qu’on avait décidé avec son père de ne pas boire tout le mois de septembre, et que je n’avais même pas bu pour mon anniversaire, il m’a regardé très sérieusement et m’a dit avec enthousiasme que je m’étais fait un super cadeau !
Alors je me lance pour me faire ce cadeau…
Merci d’avoir pris le temps de lire mon histoire, j’espère sincèrement que c’est le début d’une nouvelle qui débute