Bonjour à tous,
Pas évident de démarrer une discussion, on a tous été là à se poser des questions sur nous même, nos relations avec l’alcool (trop ou moins pire qu’autrui). On se ment d’abord à nous même et cela nous rassure de se comparer tout en minimisant ce que l’on fait subir aux autres et à nous même.
Je suis une alcoolique.
Ces quelques mots simples ont été compliqués à me l’avouer même si c’est une évidence au fond de moi depuis plusieurs années. Se mentir ça fait du bien, ça rassure. Vous lire et se retrouver dans vos témoignages cela permet de se confronter à notre réalité.
Ensuite on passe le cap de s’inscrire et enfin celui d’écrire pour partager son histoire.
Mon rapport avec l’alcool est arrivé de façon insidieuse. Boire pour être détendue et supporter ce que je vivais. Cela a commencé il y a un peu plus de 20 ans, vers 22/23 ans. Un demi verre à liqueur de liqueur de framboises.
Je vivais depuis presque 2 ans avec celui qui allait devenir le père de mon fils, il était souvent en déplacement et il était violent. Quand il revenait 1 à 2 fois par semaine, 1 heure avant. Je prenais ce demi verre de liqueur pour accepter ce qu’il allait se passer. J’étais jeune, il était plus âgé donc je pensais que c’était mon devoir d’accepter que tous les couples c’était ça.
Je ne buvais pas sinon même en soirée avec des amis, j’étais la sam de service. Personne ne savait. Quand il y avait des amis à la maison je n’avais pas le droit de boire, de manger de la viande non plus. Il m’enfermait parfois, j’avais donné une clé à une amie que j’avais réussi à récupérer. Elle venait m’ouvrir après son départ.
Je ne sais plus comment j’avais eu cette bouteille de liqueur, je crois qu’elle lui était destiné mais je l’avais caché et j’ai voulu la consommer en secret juste pour moi. Un demi verre pour ne pas gâcher et avoir cette pseudo béquille le plus longtemps possible.
J’ai eu l’autorisation de travailler, il m’avait quitté ma licence de design un an avant. Je faisais du ménage dans un centre hospitalier. J’ai pu me ré ouvrir au monde. Il prenait tous mes revenus. Il n’appréciait pas mes collègues, il m’a coupé de ma famille. Une collègue a voulu m’aider et m’a emmené chez elle un soir à la sortie du travail. Elle m’a dit qu’il fallait que je le quitte ce que je comptais faire. J’ai voulu prendre des affaires et il m’a attendu avec de belles paroles qu’il ne recommencerai plus. Je l’ai cru.
On est parti en voyage pour les vacances payés avec mon argent et il m’a dit qu’on devrait avoir un enfant. Je ne me sentais pas prête, je ne voulais pas de lui comme père pour mon enfant. Il a supprimé ma pilule et tous les jours, il était sur moi que j’ai envie ou non. Je pense que pour lui le fait qu’on est un enfant, je resterai sous son emprise. Je suis tombée enceinte. Aucune goutte d’alcool.
J’ai voulu le quitter pendant la grossesse, j’avais contacté ma famille en cachette. J’étais à 7 mois de grossesse. Un ami m’a croisé devant la gare et il l’a su. Il est venu me chercher s’est excusé m’a fait des promesses, bouquet de fleurs, petites attentions et puis il m’a ré enfermé dans l’appartement.
Notre fils est né, la plus belle merveille de ma vie, j’en suis fière chaque jour. Je l’ai allaité jusqu’à ses 6 mois, même si je n’avais pas voulu, son père m’aurait forcé. Et il s’en est pris à lui. J’ai décidé de partir, il nous a fait déménager loin des amis et de ma famille et là personne pour m’ouvrir la porte en secret. Il m’a menacé avec un couteau. Je suis tombée de nouveau enceinte.
3 mois après je l’ai quitté avec mon fils avec l’aide de la gendarmerie et du CIDFF et de mes parents . C’était compliqué entre culpabilité et liberté. Quand j’ai voulu récupérer mes affaires malgré la vigilance des gens qui m’accompagner, il m’a battu tellement fort que j’ai perdu l’enfant que j’attendais, j’ai dû l’accoucher car j’étais à 4 mois et demi. C’était une petite fille. Les blessures étaient importantes, on m’avait prévenu que je ne pourrai probablement plus avoir d’enfants et je n’en ai pas eu d’autres.
Pas méchamment, mon père souhaitait que j’aille mieux , dans mon esprit de jeune femme je ne me rendais pas compte qu’il était alcoolique car il travaillait et que c’était normal de boire du vin pour un homme et c’est mon pilier pour qui j’ai de l’admiration. Il me servait un kir le midi, puis le soir. Petit à petit, j’aimais ce fait d’avoir l’impression que cette horreur partait. C’était souvent plusieurs fois par semaine pas le week-end. J’allais voir une psychiatre en même temps pour ma séparation, on n’a jamais abordé l’alcool car je ne pensais pas avoir un problème et je n’en avais pas eu avec, pas d’ivresse, pas de cuite.
J’ai repris une licence, je ne buvais pas car j’avais beaucoup de trajet et j’ai déménagé avec mon fils en maternelle. Il est entré en CP et ma mère est décédée d’une maladie dégénérative. Mon père avait beaucoup de mal à le supporter, il s’est mis à beaucoup boire, j’allais tous les week-ends pour l’aider dans les taches ménagères et autres et me laissait entraîner dans son vice doucement tout en restant responsable car je suis maman avec une vie entre mes mains.
Au bout d’un an j’ai dit stop à tous ses allers retours, j’étais fatigué, ma paie passée sur la route. C’était devenu compliqué de bien subvenir au besoin de mon fils et de payer mes factures. Mon père en a pris conscience, il avait réduit sa consommation et m’a aidé financièrement.
Moi j’ai pu alors entamer mon deuil avec l’aide de la sangria. Puis petit à petit avec du vin, de l’apéro. D’abord juste le week-end, vendredi et samedi soir puis tous les jours.
Il y a eu des soupçons du coup j’ai rusé. Je ne voulais pas qu’on dise de moi que je buvais seule, je préféré faire semblant. Chewing-gum, déodorant, parfum, bonbons, dentifrice… complément alimentaire. Autant d’eau que d’alcool la nuit.
Le paraître, j’ai fait évoluer ma carrière, des réussites, des relations professionnelles intéressantes. Les relations amoureuses comme des mouchoirs, je ne les présentais jamais à mon fils. À quoi bon, une relation sérieuse, je ne pouvais pas leur faire un enfant et il aurait découvert que je buvais, je n’aurais plus eu ma liberté. J’ai fermé mon cœur et je pense aussi que j’ai eu peur de revivre ce que le père de mon fils m’a fait. Mon rapport à l’amour était dans le contrôle. Quelques mois avec une fin programmée dont l’autre n’avait pas conscience. C’était plus simple.
Ce week-end j’ai avoué à mon fils de 17 ans et demi que j’étais alcoolique. Je lui ai montré ma planque à bouteille vide que je devais vider cette semaine. Il y avait 7 bouteilles de vin rosé pamplemousse à 8 degrés et 2 bouteilles d’apéro à 15 degrés. Une bouteille de porto d’avance et 3 bières à 5 degrés. Des grosses quantités tous les jours mais jamais à plus de 18 degrés car pour rester dans le contrôle le paraître, faire semblant que.
Il passe le permis la semaine prochaine, il n’a jamais bu d’alcool, jamais fumé, il est sérieux comme moi au même âge. Il m’a dit qu’il ne se doutait de rien, qu’il me voyait joyeuse, fatiguée par le travail. Je lui ai promis d’arrêter et il m’a promis son soutien en me disant que j’étais une mère formidable, j’en ai pleuré. Il passe le bac général cette année et je l’ai toujours encouragé. Il n’a rien vu car je cachais tout.
Chaque évènement était un prétexte à boire, un échec, une réussite, une contrariété, un rituel le soir, se détendre, passer le temps. Je rusais en prenant de l’alcool de menthe transparente en faisant croire que c’était de l’eau.
Samedi dernier pendant la conduite accompagnée je me suis endormie à côté de lui, il est 4700 km. Il est prêt mais je ne sais même plus comment je suis sortie de la voiture quand il s’est garé et comme je suis entrée dans la maison. Cela fait un moment que je passe vous lire, cela m’a aidé à lui expliquer parfois pourquoi maman est surexcité.
Je n’ai rien bu depuis dimanche 2 février 2025, dimanche dernier… Le sevrage est compliqué car je travaille, j’ai des rendez-vous. Mes collègues pensent que je couve la grippe car il y a eu une épidémie il n’y a pas longtemps où je travaille. J’ai eu des douleurs abdominales atroces, des vertiges, des nausées. L’impression d’avoir la gueule de bois ou d’être empoisonné. Une fatigue épouvantable. Aujourd’hui les douleurs abdominales sont plus supportables.
Je prends de la B1,B6,B12. Rhodiole guarana. Un jus de citron dans de l’eau tiède et j’ai modifié mon alimentation pour des aliments fort en acide folique: poisson gras, foie de volaille, avocat, olives…
J’ai hâte que la fin du sevrage arrive. Je suis en congé la semaine prochaine pour le permis de mon fils et pour m’occuper de mon père. Il y 8 mois il a fait un AIT à cause de sa consommation excessive de whisky. Il a perdu la mémoire à court terme c’est irréversible. Il m’appelle 45 à 15 fois par jour. Cela m’a fait beaucoup réfléchir même si au début cela m’a entraîné par stress a augmenté ma consommation alors que j’ai supprimé tout l’alcool chez lui, quelle ironie.
Je regrette d’avoir fermé les yeux pour lui, je ne veux pas le faire pour moi pour mon fils. Il me dit qu’il est fier de moi mais je veux m’en sentir digne.
Je vais aider mon père autant que je pourrais, je lui ai trouvé des ateliers mémoire, il y a quelques mieux mais bon je sais que plus rien ne sera pareil.
Peut être certains se retrouvent dans mon témoignage, j’aurais plaisir à vous lire et à vous répondre. Merci d’avoir pris le temps de me lire.