Bonjour à tous,
Je vous écris car je lis vos témoignages depuis des semaines et cela fait du bien de pouvoir échanger avec des gens qui traversent également les flammes de l'enfer et peuvent donc comprendre l'incompréhensible pour le commun des mortels.
Voici mon histoire avec l'alcool, j'ai commencé vers 16 ans au lycée, les premières consommations ont tout de suite été importantes, jusqu'au black-out, à la vodka à 7 balles la bouteille à l'époque, dans le cadre de soirées entre amis uniquement.
Puis une grosse déception amoureuse, je pars m'installer loin de chez moi pour les "études" (enfin surtout pour me rapprocher de mon ex) et j'arrête rapidement la fac pour me consacrer à ce qui allait devenir l'une de mes principales activités pour les 19 années à venir. Je me retrouve seul dans cette ville inconnue et c'est là que commencent les cuites en solitaire. Internet n'étant pas démocratisé à l'époque, je m'ennuie sévère et je commencen à picoler seul, de la bière et des cubis de rosé pour avoir plus de quantité et tenir plus longtemps (le vice commence). A cette époque je me sens très déprimé mais je ne comprends pas encore le cercle vicieux, je pense que la déprime est liée à ma rupture et ne pense pas du tout que l'alcool en est responsable.
Je quitte cette ville au bout d'un an et j'intègre une école de commerce. Aaaah les écoles de commerces. On ferait mieux de parler de centre de formation d'alcooliques vu que la majeure partie du programme se passe en soirée. Apéros au bar tous les jours, open-bars toutes les semaines, ça y va "joyeusement", et de mon côté je continue mes soirées solitaire régulières. Toujours déprimé, pensant à cette fille, ne comprenant toujours pas le mécanisme de l'alcool.
Puis vint la vie active, cela allait mieux, je l'avais oubliée, l'alcool était présent massivement le week-end et régulièrement en semaine, mais à moindre degré. Environ 10 ans à peu près "stable" mais totalement alcoolique non-assumé. 1er retrait de permis lors de cette période, suspension de 6 mois.
A 30 ans ça a commencé à vraiment basculer, j'ai changé d'emploi et je suis rentré dans une société avec un manager toxique qui me mettait beaucoup de pression. Deuxième retrait de permis, suspension de 6 mois, deux conduites sans permis... Ce qui ne me freine pas pour autant, même si là j'ai compris ce que je ne voulais pas reconnaître avant.
J'arrive à maintenir tant bien que mal ma vie sociale et professionnelle jusqu'à mes 34 ans. Premier séjour en cure, je m'en remets une le lendemain de ma sortie, j'ai pissé dans la cuisine de mon meilleur pote et je me suis fait dessus ce soir là. Ca devrait en calmer plus d'un, mais non. Puis j'avais à nouveau arrêté de boire, arrive une réunion commerciale "bo allez t'es pas marrant, bois un verre youhouh". Deux verres de vins. Je ne bois pas plus, je suis content, je "maîtrise". Sauf que le lundi suivant je repars sur la route, étant contrarié sentimentalement je me prends un pack sur le retour, et je m'assoupis sur l'autoroute. Accident à 130km/h, par miracle je n'ai touché personne, je sors indemne, la voiture de fonction explosée, troisième retrait de permis de 6 mois. Deuxième séjour en cure.
Mais à partir de là la situation est partie dans une spirale incontrôlable, un an de problèmes à répétition. Chômage, convocation au tribunal quasiment un an après l'accident, ce qui me mettait une énorme pression car j'avais peur d'une annulation de permis, auquel cas je ne pouvais plus reprendre un emploi dans ma branche, alcool à longueur de nuits et de journées, j'étais en colocation avec mon meilleur ami qui ne m'a plus supporté et qui est parti, 6 passages aux urgences dont une fois où je me réveille en couche car on m'explique que je me suis pissé dessus la veille, quand vous êtes là-bas vous ne dormez pas de la nuit car vous êtes réveillé toutes les heures pour prendre vos constantes, vous êtes en manque, angoissé, on vous confisque vos affaires et donc téléphone pour ne pas que vous vous enfuyiez, vous devez attendre de (trèèèès) longues heures sans occupation avant qu'on daigne vous laisser sortir, bref c'est assez dur à vivre... ivresse sur la voie publique et cellule de dégrisement, deux nouveaux emplois que je n'arrive pas à tenir plus d'un mois, perte quasi totale du lien social alors que je suis quelqu'un qui adore sortir et voir mes amis, problèmes financiers, idées suicidaires... Ca été chaud, et ça l'est encore, à moindre mesure puisque je n'ai pas eu d'annulation de permis et vais pouvoir reprendre un emploi.
J'arrive aujourd'hui à ne plus boire pendant plusieurs jours, puis machinalement, quand je me sens mieux à l'issue du sevrage, je m'en remets une, deux... Puis je me sens totalement déprimé le temps du cap des 3 premiers jours à passer, je ne pense qu'à la manière dont je pourrais me procurer de quoi faire ma soirée, à cette première gorgée où on se dit "putain c'est bon quand même", et où on sent le cerveau s'apaiser immédiatement et masquer artificiellement les soucis, eux-mêmes engendrés par la consommation.
Depuis quelques mois c'est devenu un calvaire, je porte une culpabilité et une honte atroces et je n'arrête pas de penser aux mauvais choix que j'ai faits alcoolisé, à tout ce que j'aurais pu vivre et n'ai pas vécu, à toutes les rencontres gâchées, au mal que cela a pu créer aux autres malgré le fait que cela était totalement involontaire, à tout cet argent liquidé, toutes ces situations où je me suis ridiculisé...
Au final à 35 ans je me retrouve quasiment seul (j'ai la chance d'avoir une famille présente et une amie qui n'a jamais lâché mais j'ai perdu presque tous mes amis), je n'ai pas encore d'enfant (je m'interdirai toujours l'alcool en présence d'un enfant), je suis au bord de la ruine, j'ai l'impression d'avoir gâché toutes les belles années de ma vie et qu'il est maintenant trop tard, que je serai désormais toujours considéré comme l'alcoolique de service par mes proches, le mec imprévisible, pas fiable, qui peut replonger à tout instant, à vie.
Je souhaiterais donc échanger avec des gens qui en sont arrivés à ce niveau de déchéance, et savoir comment vous avez trouvé la force de rebondir, quels ont été vos moteurs pour vous dire "cette fois c'est la bonne" car pour le moment je sais que ma seule issue pour revivre c'est d'arrêter mais je suis plus dans le "à quoi bon?" que "j'arrête définitivement". Combien de temps cela vous a-t-il pris pour retrouver votre "vous"? Car à ce jour je ne sais plus trop qui je suis.
Merci à vous